Cet ouvrage reprend, sous forme d’entretiens, des échanges entre Jean Collet, critique de cinéma, et Michel Cazenave, producteur de l’émission « Les Vivants et les Dieux » sur France Culture. Pour Jean Collet, la dimension spirituelle du cinéma ne vient pas d’un contenu qui serait religieux, mais de l’ouverture qu’il crée. Lorsqu’il permet au spectateur, non pas de s’abstraire du réel pour un imaginaire fascinant ou insignifiant, mais de « mettre à profit [cet] espace ouvert de la fiction pour prendre conscience de tout ce qu’[il est] virtuellement », le cinéma questionne plus qu’il n’affirme. Sur l’écran, les images parlent, mais n’expliquent pas, elles ne s’adressent pas à la raison mais à l’esprit. Elles nous rendent interprètes et même créateurs à notre tour. Réfléchissant à ce qui fait une oeuvre véritable, Jean Collet montre que l’essence du cinéma, comme de tout art – Flaubert disait s’être toujours efforcé d’aller « dans l’âme des choses » tient à ce pouvoir de révélation, au sens fort. Nous croyions connaître les films de Rossellini, de Buñuel, de Mankiewicz dont il parle ; en l’écoutant, nous re-découvrons ce mystère de la création artistique, incarnée et spirituelle à la fois, lieu où « souffle l’Esprit, où l’amour nous arrache à nous-mêmes ».
La dernière partie du livre choisit d’explorer l’univers de quelques réalisateurs : celui de John Ford où le thème de la conversion des êtres est récurrent, celui d’Alfred Hitchcock où reviennent les motifs de la rencontre amoureuse et de l’aveu rédempteur, celui de Carl Dreyer où la parole donne vie. D’une lecture aisée, tout sauf bavard, mais dense et clair, l’ouvrage passionne par son intelligence et sa profondeur. Son propos, qui va à l’essentiel, est nourri d’une grande culture, non seulement cinématographique mais aussi littéraire, sans jamais être pédant.
 

Natalie Héron