En 355, Basile revient de ses études à Athènes et arrive à Césarée, en Cappadoce. Un an plus tard, Grégoire de Nazianze revient à son tour d'Athènes et rejoint le domaine où vivent ses parents, en Cappadoce également. Les deux amis entrent alors dans la vie ascétique solitaire, ce qui ne va pas sans malaise pour Basile qui se compare à un navigateur atteint par le mal de mer : « Tel est un peu notre cas : transportant avec nous nos passions intimes, nous éprouvons en tout lieu les mêmes troubles, au point de n'avoir pas tiré profit de cette solitude », écrit-il à Grégoire, avec lequel il espérait partager ce retrait du monde. Ils se rendront seulement visite, non sans alterner ensuite les critiques sur le lieu de vie de l'autre : « Vais-je admirer ta tanière du Pont […], ce "trou à rat" décoré des noms pompeux de "centre de méditation", de "monastère" et d'"école" ? », répond Grégoire à Basile dont la lettre mordante, à en juger par la réponse du destinataire, est malheureusement perdue.

Des années plus tard, Basile écrira dans le Grand recueil ascétique : « Un stade pour la lutte, un chemin tracé pour progresser, un continuel entraînement et une méditation des commandements du Seigneur, voilà la vie ensemble avec des frères. Son but, c'est la gloire de Dieu. » Il signifie ainsi son choix définitif de la vie commune. Grâces soient rendues au père cistercien Étienne Baudry, à sœur Marie Ricard, bénédictine, et au père Jean-Marie Baguenard, de la Communauté de l'Emmanuel, qui nous permettent aujourd'hui de suivre l'élaboration progressive de la pensée et de la pratique cénobitiques de Basile entre 358 et 375, en nous offrant la première traduction française du Petit recueil ascétique. Cette traduction – mise en perspective avec, en amont, trois lettres et les vingt-deux premières règles morales et, en aval, le grand recueil et des textes sur la prière – est accompagnée d'une solide étude documentée, de repères chronologiques et géographiques, d'un index scripturaire, de tables de concordance entre petit et grand recueils et d'un précieux glossaire des termes grecs utilisés par Basile accessibles à partir des termes français. Connu sous le nom de Règle de Basile recommandée par saint Benoît, il est constitué de questions, réparties ici en quatre « vagues », posées par les frères ou les responsables de communautés, au fur et à mesure de leur propre expérimentation de la vie en fraternité, dont la présence progressive des sœurs. Les réponses de Basile s'enracinent dans la parole de Dieu, sobrement mais fermement distillée, sans craindre d'aborder les passages pouvant sembler contradictoires, et manifestent un sens aigu du discernement spirituel, faisant « jouer » ensemble, de manière symphonique, la communion ecclésiale et la responsabilité personnelle. Qu'il s'agisse des principes et des pratiques de la vie commune, de la structure de l'Office divin ou de questions sur Satan et le mal (on reconnaît, en arrière-fond, les querelles avec les arianisants et les messaliens), Basile témoigne d'un optimisme spirituel à toute épreuve : « L'ingratitude humaine ne peut ni détourner ni écarter de nous [la] miséricorde divine, et que même un indigne reçoive un charisme ou un don de Dieu, ce n'est pas du tout insolite. »

L'eucharistie nourrit la nouvelle naissance des baptisés, au long des jours. En finale du livre, les extraits de la Prière eucharistique dite de saint Basile rappellent à tout chrétien la finalité ultime de ses choix de vie.