Miguel de Unamuno (1864-1936) est surtout connu pour son ouvrage intitulé Du sentiment tragique de la vie chez les hommes et chez les peuples1. Cette réflexion philosophique n'était pas pour lui un sujet d'étude comme un autre. Du 21 février au 2 mai 1874, en effet, Unamuno vécut le siège de Bilbao, sa ville natale, bombardée sans discontinuer. Événement à ce point fondateur pour lui qu'à peine achevées ses études de philosophie, il s'en inspira pour sa première œuvre, un roman de trois cent cinquante pages, qu'il mit douze ans à écrire : Pas de paix hors la guerre (1897)2.
Le siège de Bilbao est le dernier fait majeur des « guerres carlistes », guerres fomentées par trois générations de prétendants à la couronne tous prénommés Carlos, partisans de la monarchie absolue et de la loi salique, avec la bénédiction d'un clergé traditionaliste, contre la régente María Cristina puis la reine Isabel II, garantes de la monarchie constitutionnelle, libérale. C'est ainsi que vingt ans à peine après la fin de la guerre d'Indépendance (1808-1814), l'Espagne s'enfonça dans une première guerre civile qui dura sept ans (1833-1840) et fit 130 000 morts au combat. Mieux organisée, l'armée libérale en sortit victorieuse, bien qu'exsangue, et il ne fallut pas plus de six ans de « paix de haines et de luttes entre modérés et progressistes » pour qu'éclatent des soulèvements sporadiques, matés en 1849 au prix de 10 000 morts. Plus revanchards que jamais, les carlistes prirent alors tout leur temps pour se réorganiser avec un véritable État-major, une armée de volontaires, des finances au