L'« écospiritualité » suscite une méfiance croissante dans l'Église. Très diverse, elle n'évite pas les risques de toute mode spirituelle : instrumentalisation d'une grande et légitime angoisse et fabrication de marchandises émotionnelles. Plus préoccupant, n'est-elle pas l'élaboration d'une nouvelle idolâtrie de la Nature ? Ce petit livre est un guide précieux pour discerner à quelles conditions l'écospiritualité peut être une occasion de conversion intérieure, disposant à écouter « tant la clameur de la Terre que la clameur des pauvres » (Laudato si', 49). Mais Jean-Philippe Pierron n'utilise jamais les mots de la foi car il ne s'adresse précisément pas à des croyants. C'est une dimension essentielle de la proposition qu'il fait là, passionnante tant pour l'histoire de la spiritualité que pour la pratique de l'accompagnement spirituel. Qui est familier de la tradition ignatienne (comme l'est le philosophe, auteur de plusieurs articles dans Christus) identifiera dans ces « exercices spirituels d'attention » ses fondements essentiels : appel à « goûter et à sentir intérieurement », invitation à nommer les expériences de « désolation » écologique, à rechercher la remise en mouvement vers la « consolation » par une ouverture active, par le soin, vers ce qui n'est pas soi, « à identifier le lieu de choix possibles ». De très belles pages font mieux comprendre comment la méditation, élargie à la marche, à la cuisine, à l'observation des humbles êtres du jardin ou à la contemplation d'œuvres d'art, en s'ancrant toujours dans une expérience personnelle et dans une démarche de gratitude et de don, forge des résistances critiques contre la culture éparpillante du numérique et de la consommation mais aussi contre la dilution du « je » dans un vague « Tout ». Reste la grave question de l'axe vertical de la croix : si le spirituel est ce qui nous mène dans la relation et non dans la transcendance, quel nom donnera-t-on à la foi dans le Christ mort et ressuscité ?