Les Actes des apôtres sont souvent lus, et appréciés, comme l’épopée triomphale de l’Évangile aux origines de l’Église. Les chiffres fabuleux de croissance de l’Église de Jérusalem font rêver : cent vingt personnes, puis trois mille, puis cinq mille (1,15 ; 2,41 ; 4,4). On se souvient de Pierre parlant à la foule après l’événement de la Pentecôte et attirant la faveur du peuple de Jérusalem (ch. 2). On voit la stature de Paul, grand prédicateur, baroudeur de l’Évangile, autant à l’aise pour prononcer l’homélie à la synagogue d’Antioche de Pisidie (ch. 13) que pour s’adresser en plein air, sur l’aréopage, à l’intelligentsia philosophique d’Athènes (ch. 17). Prêcheurs, harangueurs de foule, guérisseurs, Pierre et Paul dominent la narration des Actes comme deux figures hiératiques. Des témoins sans peur ? Non. Le livre des Actes nous les montre affrontant trois peurs : la peur de l’échec, la peur de décevoir et la peur du conflit.

La peur de l’échec apparaît au fil d’un épisode scabreux, sur lequel lecteurs et lectrices des Actes glissent pour aller vers des scènes plus édifiantes. L’épisode n’est pas anodin, puisqu’il déclenche ce qu’on appelle le deuxième voyage missionnaire de Paul et Silas. Parti de Jérusalem (ch. 15), ce voyage les conduira à passer de Troas à Philippes en Macédoine, c’est-à-dire à entrer en Europe. Le passage est symbolique. Même si les Grecs n’avaient pas au premier siècle la géographie continentale qui est la nôtre, ils savaient clairement faire la différence entre la Grèce (dont fait partie la Macédoine) et l’Asie mineure, qui est au-delà. La traversée est donc significative.
Elle inaugure l’évangélisation paulinienne en Grèce continentale, avec la diffusion de la Parole en Macédoine, à Thessalonique, et plus au sud à Bérée, à Athènes, à Corinthe (ch. 16-18). Bref, c’est la conquête de l’Ouest qui se