Dirigé par l'anthropologue Laëtitia Atlani-Duault, cet ouvrage traite surtout, en fait, de l'attitude des religions et des confessions durant la période de la Covid-19, chacune donnant, par la voix de responsables ou d'intellectuels, son témoignage sur ce qui a pu se vivre alors. Quinze contributions de catholiques, protestants, orthodoxes, juifs, musulmans et bouddhistes se retrouvent donc ici, à l'image de la pluralité du paysage religieux français. Même si cet ensemble souffre des limites du genre du livre collectif, il permet cependant de dégager quelques lignes de force. L'opinion se souvient des querelles entre les pouvoirs publics et l'épiscopat à propos de l'ouverture des lieux de culte, entre autres, mais ce qui ressort ici est avant tout nombre de convictions ou de découvertes partagées. À leur manière, les religions étaient mises elles aussi face à un défi : « L'enjeu théologique posé par les épidémies est celui des rapports entre la foi, le plan divin et la marche naturelle du monde », souligne d'emblée la contribution d'ouverture. Comment ne pas percevoir du coup une tension entre la nécessité pour les confessions de délivrer une parole de foi et le légitime silence face à la souffrance, voire le constat du « silence de Dieu » (François Clavairoly) ? L'affrontement à la pandémie a été l'occasion de prendre conscience de notre fragilité et de notre condition mortelle, à travers la manifestation d'une « vulnérabilité sans précédent » (Denis Malvy). Pour dépasser la tentation de la peur, il a fallu faire preuve de responsabilité, qu'elle passe par le sens de la citoyenneté (Chems-Eddine Hafiz), dans le respect des consignes sanitaires ou dans la fraternité et l'attention à autrui. Cette invitation au soin et à un amour en acte prend d'ailleurs tout son sens dans un contexte social où l'on est le plus souvent invité à se sauver tout seul : « Cette épidémie frappe et dévoile une société de solitudes, et la crise est révélatrice d'un imaginaire de la solitude volontaire » (Olivier Abel). À sa manière, la pandémie nous a interrogés sur les rites, loin d'une dichotomie du pur et de l'impur, mais dans un cadre « éthique » (Véronique Margron) : comment pourrons-nous également « rebâtir ensemble, face à la mort, ce que signifie un authentique au revoir ? » (Bruno Cadoré). Soulignons enfin, avec Laëtitia Atlani-Duault, un important point positif : jamais les grandes religions de notre pays ne sont tombées dans le piège consistant à voir dans la pandémie un châtiment de Dieu ou le fruit d'un complot maléfique, refusant ainsi toute logique ou « figures de blâme ».

Professeur de médecine et musulman, Sadek Beloucif résume bien l'esprit de ce travail : « La conscience de soi, de notre action propre doit nous révéler que malgré notre ambition d'une espérance sans fin, nous sommes en même temps d'une telle fragilité que nous devons voir que ce n'est pas en confiant à la science l'hypothétique solution que nous arriverons à la solution. C'est notre recherche d'intériorité, associant curiosité de l'autre, capacité de se décentrer, à l'aune des richesses découvertes chez l'autre qui nous aidera. »