Le sport est devenu aujourd’hui un phénomène social et culturel qui imprègne la vie quotidienne. Mais il s’y révèle une ambivalence croissante. Le plaisir éprouvé à pratiquer, à gagner, ou tout simplement à regarder un sport, peut conduire à une passion déréglée, tandis que le jeu ou le talent admirable de beauté, de gratuité, mais aussi de travail, n’excluent pas une dépendance qui peut aller jusqu’à l’addiction, le dopage ou l’écœurement. L’argent crée le spectacle et motive le désir mais peut aussi acheter la santé… Le bon grain et l’ivraie y poussent donc ensemble et font du sport un lieu de combat spirituel.
On peut en sortir vainqueur et y découvrir un chemin de croissance, car l’Esprit y est à l’œuvre (M. Vallée). Que se joue-t-il donc dans le sport de si important pour l’homme et la société ? La référence à la guerre et à la force y est évidente. Mais l’art et la vérité y sont aussi convoqués à travers le spectacle et le jeu : la capacité pour un homme ou une équipe, donc une société, de s’approprier un geste ou un sport avec ses règles et ses techniques, en révèle à chaque fois une compréhension nouvelle et vraie (A. Cugno). Le célèbre combat de David contre Goliath, dans l’Ancien Testament, illustre cela parfaitement. David réinterprète et renouvelle les codes du combat singulier. En rejetant un équipement trop lourd pour lui et adapté au champion de l’époque, le géant Goliath, il libère sa mobilité et son adresse personnelles pour gagner le combat (B. Picq).
Aujourd’hui comme hier, l’entraînement sportif appelle un effort éducatif et un travail d’accompagnement social considérables auprès des enfants et des jeunes : structurer, entraîner, arbitrer, rappeler les règles, accompagner les succès et les défaites. Ce temps gratuit, donné aux autres, dit la passion et le désir éprouvés de transmettre un art de vivre et de se dépasser (M. Grandin). Mais la dimension politique s’exprime aussi quand un quartier se met en mouvement et retrouve une image positive grâce au sport. Depuis quinze ans, l’association « Sport dans la ville » en fait un tremplin pour l’insertion sociale, culturelle puis professionnelle des adolescents, dans des quartiers très dégradés de quelques grandes villes françaises (P. Oddou). Si le sport est un moyen privilégié pour poser et équilibrer sa vie, c’est toute l’existence qui doit être comprise dans la foi en Jésus Christ comme une course. Ainsi en témoigne l’apôtre Paul qui, à plusieurs reprises, fait appel à la métaphore sportive pour évoquer la vie des chrétiens. Ils tendent vers un but, une victoire sur les forces de destruction qu’ils combattent en eux-mêmes au profit de l’amour du prochain (M. Rastoin).
Les Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola sont un moyen spirituel privilégié pour engager cette « course ». En libérant le cœur des appétits et habitudes qui l’empêchent d’accueillir la parole de Dieu dans toute sa force de conversion, ils disposent le corps et l’esprit à discerner l’Esprit saint et à sentir le souffle de sa présence en nous-même, pour mieux servir le Christ dans le monde (J.-J. Guillemot). Aux confins de l’exploit sportif et de l’exercice spirituel, les « Inigooms » font faire l’expérience d’être guidés par un autre dans un mode de vie marqué par l’ascèse, sur des chemins d’efforts physiques et d’intériorité où l’on ne va pas spontanément (A. Paumard). En contrepoint, la passion du stade ou du spectacle du sport, même non pratiqué, fait néanmoins ressentir et partager la violence liée au dépassement et au combat, ou encore communier dans l’euphorie fraternelle de la victoire. On gagne ou on perd par procuration. Cependant, c’est l’instant de rêve d’un vivre-ensemble heureux qui compte avant tout, canalisant dans l’exultation collective les forces de vie et de victoire mais aussi de mort qui traversent tout un chacun, sportif ou non (R. Subtil). C’est au point précis où la vie devient une marche, un pèlerinage, que nous convie finalement l’Esprit. La fidélité de Dieu nous fait humblement et joyeusement emprunter le chemin de son Fils, en nous dépouillant sportivement de nous-mêmes (B. Lamoureux).