Prés. C. Barthe.
Préf. et trad. D. Millet-Gérard. Ad Solem, 2003, 535 p., 45 €.
On demande ici des lecteurs confiants en l'intelligence de ceux qui les ont précédés, aptes à résister aux tentations d'utiliser ce texte comme un désaveu de la réforme liturgique de Vatican II, ou, à l'inverse, de le juger sans pertinence pour aujourd'hui. Dans les deux cas, il serait regrettable de se priver de la polyphonie d'interprétations offerte par cette lecture spirituelle de la liturgie eucharistique.
« Donner les raisons de ce qui se fait dans les offices ecclésiastiques », tel est le projet, au XIIIe siècle, de l'évêque de Mende. La présentation et la préface permettent de se familiariser avec l'histoire de cette œuvre, « dernier mot du Moyen-Age sur la mystique du culte divin ».
Encore faut-il entendre ce que raison veut dire en liturgie. Guillaume en appelle à Bernard de Clairvaux qui demande, pour la célébration de la messe, de « joindre l'intelligence à la parole, le sentiment à l'intelligence, l'exultation au sentiment, la promptitude à l'exultation, l'humilité à la promptitude, la liberté à l'humilité » (Sermon 13 sur le Cantique). Cette dynamique donne du souffle à Guillaume dont le commentaire bondit et s'envole. Et s'il lui arrive de revenir sur ses pas ou même de faire du « sur place », c'est parce que « les mots s'évanouissent, l'esprit est écrasé, l'intelligence dépassée ». Mais, bien vite, la parole, fécondée par la contemplation du Verbe, reprend son essor ou descend aux abîmes, suivant le déploiement du mystère pascal. À condition d'accepter un certain « dépaysement intellectuel », le lecteur contemporain sera vivifié par la célébration continue de la Trinité à l’œuvre dans le monde, au grand air d'un horizon eschatologique toujours présent. Il goûtera les infinies résonances de l'Ecriture et des textes patristiques au cœur des diverses étapes du rituel, non sans savourer l'histoire (parfois curieuse ou fantaisiste) des actes et paroles liturgiques.
Enfin, il pourra s'émerveiller de la liberté irriguant ces pages (qui, plus tard, deviendront pourtant prétexte à rubricisme). Guillaume reconnaît des coutumes liturgiques diverses et fait entendre plusieurs points de vue quant aux controverses et débats de cette époque sur l'Eucharistie. Pour qui s'interroge sur les excès d'allégorisme affectant les détails du rituel, une recommandation d'Henri de Lubac au sujet de l'exégèse des Pères apporte une lumière : « Ce qui peut sembler lettre morte ou fantaisiste (...) est à mettre au compte de l'exubérance des frondaisons. » L'arbre porte toujours des fruits. On peut souhaiter que des équipes liturgiques soient nombreuses à les cueillir.
Préf. et trad. D. Millet-Gérard. Ad Solem, 2003, 535 p., 45 €.
On demande ici des lecteurs confiants en l'intelligence de ceux qui les ont précédés, aptes à résister aux tentations d'utiliser ce texte comme un désaveu de la réforme liturgique de Vatican II, ou, à l'inverse, de le juger sans pertinence pour aujourd'hui. Dans les deux cas, il serait regrettable de se priver de la polyphonie d'interprétations offerte par cette lecture spirituelle de la liturgie eucharistique.
« Donner les raisons de ce qui se fait dans les offices ecclésiastiques », tel est le projet, au XIIIe siècle, de l'évêque de Mende. La présentation et la préface permettent de se familiariser avec l'histoire de cette œuvre, « dernier mot du Moyen-Age sur la mystique du culte divin ».
Encore faut-il entendre ce que raison veut dire en liturgie. Guillaume en appelle à Bernard de Clairvaux qui demande, pour la célébration de la messe, de « joindre l'intelligence à la parole, le sentiment à l'intelligence, l'exultation au sentiment, la promptitude à l'exultation, l'humilité à la promptitude, la liberté à l'humilité » (Sermon 13 sur le Cantique). Cette dynamique donne du souffle à Guillaume dont le commentaire bondit et s'envole. Et s'il lui arrive de revenir sur ses pas ou même de faire du « sur place », c'est parce que « les mots s'évanouissent, l'esprit est écrasé, l'intelligence dépassée ». Mais, bien vite, la parole, fécondée par la contemplation du Verbe, reprend son essor ou descend aux abîmes, suivant le déploiement du mystère pascal. À condition d'accepter un certain « dépaysement intellectuel », le lecteur contemporain sera vivifié par la célébration continue de la Trinité à l’œuvre dans le monde, au grand air d'un horizon eschatologique toujours présent. Il goûtera les infinies résonances de l'Ecriture et des textes patristiques au cœur des diverses étapes du rituel, non sans savourer l'histoire (parfois curieuse ou fantaisiste) des actes et paroles liturgiques.
Enfin, il pourra s'émerveiller de la liberté irriguant ces pages (qui, plus tard, deviendront pourtant prétexte à rubricisme). Guillaume reconnaît des coutumes liturgiques diverses et fait entendre plusieurs points de vue quant aux controverses et débats de cette époque sur l'Eucharistie. Pour qui s'interroge sur les excès d'allégorisme affectant les détails du rituel, une recommandation d'Henri de Lubac au sujet de l'exégèse des Pères apporte une lumière : « Ce qui peut sembler lettre morte ou fantaisiste (...) est à mettre au compte de l'exubérance des frondaisons. » L'arbre porte toujours des fruits. On peut souhaiter que des équipes liturgiques soient nombreuses à les cueillir.