C'est dans la première série des règles de discernement, dites de « première semaine » (Exercices spirituels [ES], 313-327), que saint Ignace nous donne sa définition de la « désolation spirituelle ». Définition qu'on pourrait dire descriptive et antithétique. Descriptive, en ce sens qu'il ne donne pas une définition abstraite de la désolation, mais en décrit plutôt le contenu « comme obscurité de l'âme, trouble intérieur… comme séparée de son Créateur et Seigneur ». Antithétique, parce que, d'emblée, la désolation est située par rapport à son contraire, la consolation ; il semblerait qu'elle n'a d'autre statut que dans cette opposition : « J'appelle désolation tout le contraire de la troisième règle… Car de même que la consolation est à l'opposé de la désolation… » (ES 317).

Cette manière de parler est significative. Pour Ignace, ce qui est premier, c'est la consolation ; elle est le régime normal de celui qui aime et sert Dieu : elle a sa source dans le dynamisme théologal (accroissement de foi, d'espérance et de charité) et elle s'accompagne de flamme et d'allégresse (ES 316). En un sens, la désolation n'a d'autre consistance que d'entraver la marche en avant de celui qui aime Dieu. Attitude résolument optimiste et à l'opposé d'une spiritualité doloriste et « désolée ».

Cependant, la désolation, quand elle nous atteint, est plus difficile à accepter que la consolation, et son rôle plus obscur à percevoir. Elle peut tenir une place importante dans la vie spirituelle, comme en témoignent dans la Bible tant de psaumes de supplication. C'est pourquoi Ignace lui accorde une certaine attention dans la première série des règles pour le discernement.

Sans nous attarder sur la « tactique à suivre » que propose Ignace pour dépasser la désolation (fermeté, constance, prière, patience, confiance dans le secours divin qui demeure), c'est sur la neuvième règle (ES 322) que nous voudrions nous arrêter, celle qui indique les « raisons » pour lesquelles nous sommes désolés, c'est-à-dire le « pourquoi » et le « pour quoi » de la désolation. Ainsi pourrons-nous peut-être découvrir un sens à ce qui nous paraît souvent comme un non-sens et reconnaître que, si Dieu parle avant tout dans la consolation qu'il donne, son amour n'est pas pour autant absent de la désolation qu'il permet.

À cause de nos fautes

La première « raison » de la désolation selon Ignace est que « nous sommes tièdes, paresseux ou négligents dans nos exercices spirituels ; ainsi, c'est à cause de nos fautes que la consolation s'éloigne de nous » (ES 322,1).

Par « exercices spirituels », il faut d'abord entendre les temps de prière auxquels le retraitant est invité à se livrer, pour « chercher et trouver la volonté de Dieu dans la disposition de sa vie ». Ces exercices ne sont pas toujours faciles, car il y a en nous des attachements désordonnés qui nous détournent de rechercher ce pour quoi nous sommes faits : « Louer, respecter et servir Dieu, et ainsi sauver notre âme. » C'est pourquoi se lèvent en nous des résistances se traduisant par la paresse, la négligence ou la tiédeur dans la prière. Mais, si notre liberté est blessée et pécheresse, nous