Toute présence à Dieu s'établit dans le Christ, qu'on y pense explicitement ou non. Le Christ a jadis été présence historique de Dieu sur la terre, dans l'humanité individuelle qu'il a « assumée », qu'il a unie à lui au point qu'elle ne fait qu'un avec lui. Présence limitée à un pays dont le Christ n'a pas dépassé les frontières, restreinte à quelque trente-trois ans, au début de notre ère. Pourtant, cette présence, dans cette limitation même, nous était donnée aussi à nous qui venons bien plus tard, et nous avons le pouvoir de répondre par la méditation de l'Évangile, en recueillant pour nous ces paroles et ces gestes, en nous actualisant dans ces mystères comme si nous avions été présents. Mais, s'ajoutant à cette recherche à la fois historique et actuelle du Christ dans l'Évangile, l'attention se porte à sa présence dans notre histoire à nous : sa présence par les sacrements, en particulier dans le sacrement par excellence, au cœur de l'église, l'eucharistie. L'attention se porte aussi sur le « Christ total », le corps mystique du Christ qui contient en lui tous les chrétiens. Bref, on rencontre, à l'égard du Christ lui-même, tous les modes de la présence à Dieu : le Christ à côté de moi comme un ami (on pense à sainte Gertrude récitant avec lui le bréviaire et s'inclinant vers son compagnon à la fin de chaque psaume) ; le Christ en moi par l'eucharistie et la vie de la grâce ; le Christ autour de moi, en ceux chez qui il vit et souffre ; le Christ dans le monde qu'il transfigure et qu'il ramène au Père ; celui, comme aimait à le répéter sainte Catherine de Sienne, dont le sang purifie tous les hommes qui veulent le recevoir.
La présence intégrale, dont nous espérons jouir à la fin de la route, commence à s'esquisser ici-bas, non plus dans le dialogue, mais dans le silence, signe d'union plutôt que de « connaissance ». Elle n'est pleinement donnée et que par grâce spéciale, mais les plus humbles d'entre nous, lorsqu'ils prient vraiment, reconnaissent déjà qu'ils n'y sont pas totalement étrangers.