Christus : Avez-vous toujours eu le désir de travailler avec les chevaux ?
Hubert Brandicourt :
Je suis tombé dedans quand j’étais tout petit. La première fois que j’ai vu des chevaux, je crois que je devais avoir sept ou huit ans, et j’ai commencé à monter dessus à dix ans. À partir de treize ans, j’avais déjà ce métier-là dans la tête, et ça ne m’a pas quitté. Deux choses ont joué un rôle de déclencheur : monter à cheval ou m’occuper de chevaux, et enseigner. Au centre équestre, je pourrais n’avoir qu’une fonction de direction, mais ça ne m’intéresse pas trop : je préfère conserver ma fonction d’enseignant, qui est celle où je m’épanouis le plus.


Se connaître soi-même


Christus : Est-il vrai qu’au moment où l’on voit une personne monter à cheval, on peut déjà deviner dans quel état intérieur elle se trouve ?
H. Brandicourt : Lorsqu’on est sur le cheval, dans la première année, au moment où l’on défriche un peu, on est dans un état de découverte complète de l’animal et dans la nécessité de se découvrir soi-même. Sinon, ça ne marche pas. Il va me falloir transformer cette relation du prédateur que je suis à la proie qu’est l’animal en une relation équivalente à celle du leader au sein d’un troupeau. Ce n’est donc pas forcément une relation d’autorité, mais d’abord une question de confiance. Au début apparaissent toutes sortes de peurs. Comme je suis un peu démuni, je me révèle à la fois dans mes gestes, dans mon comportement, dans ma voix. Je vais devoir apprivoiser, apprendre à connaître, entrer dans le fonctionnement d’un cheval (j’allais dire : de l’autre), et par là entrer dans une certaine forme de connaissance de moi-même. C’est assez lisible au début ; après, c’est plus compliqué, dans la mesure où, la technique aidant, on gomme un peu les premières réactions.

Christus : N’est-ce pas là le début d’un chemin spirituel pour les gens qui viennent faire de l’équitation, en particulier pour les petits et les handicapés ?
H. Brandicourt : Le handicapé, dans sa relation au cheval, passe précisément d’une situation de dépendance à une situation de leader. Le petit aussi d’ailleurs. C’est lui qui va donner l’ordre de tourner ou de s’arrêter, etc. Le jeune handicapé en fauteuil est manié tout le temps ; ici, c’est lui qui manie. Alors qu’on prend tout le temps soin de lui, c’est lui qui ici prend soin. Cela revient à se remettre debout. Chez le cavalier lambda, il y a aussi une lente prise de conscience que je me restaure dans ce que je fais. Mon action n’est pas a priori bonne ou mauvaise ; elle a seulement un effet, que je dois apprendre à évaluer. L’avantage du cheval, c’est qu’il n’attend rien. Il est neutre. C’est un miroir parfait de ce que je fais. Dans le coaching d’entreprise, on met un employé en présence d’un cheval pour révéler ses forces et ses faiblesses....
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