La conversion de saint Augustin


La solitude s’offrait à moi comme un endroit plus propice au travail des larmes. Je me retirai assez loin ; ainsi même la présence d’Alypius ne pourrait pas m’être à charge. (...) Lui demeura donc à l’endroit où nous étions assis ; il était au comble de la stupeur. Moi, je m’abattis, je ne sais comment, sous un figuier ; je lâchai les rênes à mes larmes, et elles jaillirent à grands flots de mes yeux, sacrifice qui te fut agréable ; et (...) je te dis sans retenue : « Et toi, Seigneur, jusques à quand ? Jusques à quand, Seigneur, iras-tu au bout de ta colère ? Ne garde pas mémoire de nos vieilles iniquités. » De fait, je sentais que c’étaient elles qui me retenaient. Je jetais des cris pitoyables : « Dans combien de temps ? Dans combien de temps ? Demain, toujours demain. Pourquoi pas tout de suite ? Pourquoi pas, sur l’heure, en finir avec mes turpitudes ? »
Je disais cela, et je pleurais dans la profonde amertume de mon coeur brisé. Et voici que j’entends une voix, venant d’une maison voisine ; on disait en chantant et l’on répétait fréquemment avec une voix comme celle d’un garçon ou d’une fille, je ne sais : « Prends, lis ! Prends, lis ! » À l’instant, j’ai changé de visage et, l’esprit tendu, je me suis mis à rechercher si les enfants utilisaient d’habitude dans tel ou tel genre de jeu une ritournelle semblable ; non, aucun souvenir ne me revenait d’avoir entendu cela quelque part. J’ai refoulé l’assaut de mes larmes et me suis