Quelle autorité accorder au canon des Écritures ? Pourquoi certains écrits chrétiens n’y ont-ils pas été retenus ? Qui dans l’Église en a décidé et sur la base de quels critères ? En quoi l’autorité que nous reconnaissons à nos Écritures canoniques renvoie effectivement à l’autorité du Christ sans la masquer ? Ces vieilles questions sont revenues au premier plan, d’une part en raison de la découverte des manuscrits de Qumran en 1947 et d’autre part en raison de la grande mode des écrits gnostiques chrétiens depuis une trentaine d’années. Il est si tentant de vouloir, comme l’on dit, « accéder directement aux textes », sans passer par la médiation d’une Église, vue comme prompte à la dissimulation. Pourtant, sans les communautés porteuses du canon, pas d’Écritures. Il y a un renvoi mutuel entre communauté, credo et Écriture.
Dans un premier temps, il convient d’insister sur le statut second d’une Écriture qui renvoie à un autre qu’elle-même. Dans un second temps, pourra être rappelé comment s’est historiquement constitué le canon catholique des Écritures.
 

Pas d’Écriture sans Esprit Saint


Un premier rappel s’impose : l’autorité des Écritures ne dépend pas de l’« authenticité », de la possible reconstitution archéologique des sources du texte. À deux niveaux. Que l’auteur du livre biblique soit ou non Pierre ou Paul et, pour ce qui est des Évangiles, que l’origine de la phrase remonte au Jésus historique ou pas ne change rien au statut du texte : affirmer l’origine de telle parole dans un discours de Jésus est un exercice de probabilités passionnant mais finalement assez vain. Pour lire l’Écriture, il faut l’Esprit. Pas d’accès au Christ sans Esprit Saint. Pas d’accès au corps des Écritures sans passer par le corps de l’Église. En effet, les Écritures ont leur vérité en dehors d’elles-mêmes. Elles pointent vers un être qui y est présent mais qui les déborde. En ce sens, elles sont sacramentelles, signes tangibles mais fragiles d’une réalité à venir. Si c’est de Dieu qu’elles proviennent, c’est à Dieu qu’elles doivent conduire et non retenir à elles. Il est triste de voir des chrétiens avoir un rapport quasi idolâtrique aux Écritures, semblant s’accrocher à la matérialité d’un texte qui ne parle que par l’Esprit et qui ne veut exister que pour renvoyer à un autre. C’est une question douloureuse : comment se fait-il que tant de chrétiens aient soit un rapport faussé, presque idolâtrique, à l’Écriture, soit, pour un grand nombre, tout bonnement une absence de rapport et une certaine indifférence vis-à-vis d’elles ?

Une tradition ecclésiale

Les Écritures canoniques nous renvoient à notre tradition ecclésiale et vice-versa. Au fait que la foi est toujours transmise par des frères aînés. Même Paul, si enclin à souligner la révélation directe qu’il a reçue de Dieu (cf. Ga 1,11-12), n’hésitera pas à dire : « Je vous ai transmis ce que j’ai moi-même reçu » (1...

La lecture de cet article est réservée aux abonnés.