La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux ! […]
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature ! 



La mer n’a-t-elle pas toujours suscité au cœur de l’homme d’innombrables rêves de départ vers des îles lointaines ? Le poète se fait l’écho d’un imaginaire immense, qui vient sans doute du fond des âges et a grandi à la mesure du désir des hommes de repousser les limites du monde connu. L’humanité a d’abord été nomade et probablement a-t-elle très tôt considéré la mer, en dépit de ses dangers, comme un milieu propice à son besoin de voyager, de découvrir.
Les figures de « hardis navigateurs » réalisant de grandes découvertes à l’aube des temps modernes viennent spontanément à l’esprit dès qu’on parle de mer et de navigation. Les explorateurs des premiers voyages transocéaniques sont pour nous encore des personnages emblématiques de l’énergie et du courage des hommes à vouloir aborder de nouveaux espaces. Ils ont été poussés bien sûr par des considérations de conquête, de suprématie, de richesse, mais aussi par une force intérieure qui les obligeait bien souvent à aller au-delà d’eux-mêmes. Pour cette raison, la mémoire collective ne voudrait retenir de leurs actions que l’audace, le courage, la chance peut-être aussi, en protégeant l’image glorieuse de leurs exploits maritimes des tâches sombres des conquêtes et exactions qui les ont accompagnés.
Mais il semble que Mallarmé se laissait inspirer par une autre évocation de la mer. À la différence des grands navigateurs, ce n’est pas tant la conquête de l’inconnu qui l’attire, ce serait plutôt