Partagez-vous la définition proposée par Jean-Claude Lavigne1, selon qui le propre de la vie religieuse est de vivre de son baptême en faisant alliance avec une spiritualité, un institut ou une règle ?

Véronique Margron : Oui, tout à fait. Lors d'une réunion qui faisait suite aux travaux de la Ciase [Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église], Patrick Goujon avait dit que, en fin de compte, la vie religieuse n'est rien d'autre que d'essayer de vivre intensément de son baptême. Vivre son baptême, c'est ce à quoi tout chrétien est appelé. Les religieux décident de déployer cette vocation le plus intensément possible, au sein d'une tradition, d'un récit singulier, d'une lignée. Cette inscription dans le temps long peut faire signe aujourd'hui, tant nous sommes dans des mondes morcelés. Chaque époque a l'impression que les temps précédents sont révolus et que chaque génération doit faire table rase. Pourtant, l'humain ne peut pas s'inventer tous les jours ; nous ne sommes pas les autoentrepreneurs de nos existences. Choisir la vie religieuse ne veut pas dire renoncer à être autonome ou responsable de soi, bien au contraire. Mais c'est le faire en posant ses pas dans des pas qui nous ont précédés, aux côtés de compagnes ou compagnons de voyage. La tradition chrétienne nous introduit dans une lignée d'hommes et de femmes, avec leurs lumières et leurs ombres.

S'inscrire dans un long récit, c'est consentir à « être un passant et un passeur », pour reprendre une formule de Michel de Certeau. Passant, on passe comme tout le monde, décidant de ne pas être un propriétaire. Comme d'autres l'ont été pour nous, nous espérons