Cet article est le témoignage d'un jésuite qui, à l'âge mûr, a choisi d'entrer dans le monde du travail hospitalier par le plus humble des métiers aide-soignant de nuit pendant près de vingt ans. Ainsi a-t-il pu accompagner un grand nombre d'hommes et de femmes confrontés dans la solitude à la situation humiliante des malades, afin de les aider, au sein d'une modeste équipe, à retrouver leur dignité.

J’avais l'intention et le temps d'écrire ce soir, mais curieusement cela me fut impossible : des visages aux traits multiples venant sans cesse entraver les idées, j'ai compris peu à peu que la nuit ne se dévoile pas au milieu du jour dans un discours clair et accessible, que l'obscur se livre plus comme une suggestion que dans l'approbation claire, immédiatement comprise.
Cela, je ne le savais pas lorsque j'ai demandé « la nuit » pour en faire l'expérience pendant les réparations de mon service de « soins intensifs ». J'ignorais que je serais séduit par l'ombre et que la nuit me garderait. J'ai vécu dans son intimité non seulement dans les différentes unités où je suis passé, principalement « médecine » (quatre ans seul sous la responsabilité d'une infirmière qui se partageait entre deux, trois ou quatre services), mais aussi, plus ponctuellement, dans de longs séjours