Nos pères dans la foi savaient voir et écouter. Il suffit d’ouvrir une Bible pour s’en assurer. Inversement, peut-être nous faut-il, pour accueillir aujourd’hui la Parole, réapprendre la mer au ras de la plus sensible perception : regarder le sable et le rocher, le ciel et le nuage, nous laisser prendre à corps perdu au jeu des vagues et de la plage, de la houle et du vent, et nous offrir à visage découvert aux embruns du large. Alors, en parlant son simple langage à chacun de nos sens, la mer nous parlera du temps de Dieu et de celui de l’homme, du désir de Dieu et de celui de l’homme. De notre vocation d’être créé, appelé, sanctifié. Écoutons-la.
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Pour les anciens, le monde est tripartite : il y a la terre et le ciel, œuvres du premier jour de la Création, puis la mer, née des eaux primordiales sur lesquelles plane le souffle divin et qui reçoit de son Créateur, au troisième jour, son nom de « mer ». Cette tripartition, que rassemble une même bénédiction – « Dieu vit que cela était bon » – court dans toute l’Écriture, malgré Béhémoth et Léviathan (Jb 40,15–41,26), jusqu’à ce que l’Apocalypse l’abolisse en une nouvelle et définitive création : « De mer, il n’y en a plus » (Ap 21,1). Les versets qui ouvrent et ferment nos Bibles donnent ainsi la juste échelle temporelle pour embrasser la mer d’un regard qui ne soit pas seulement spatial. L’infini qui s’ouvre à nous est alors celui du temps cosmique : le temps qu’il a fallu pour que se forment les océans. Ceux-ci, enseignent les savants, naissent, grandissent et meurent. Pour donner naissance à ceux que nous connaissons, la Terre a dû travailler plusieurs dizaines de millions d’années à coups d’activités sismiques et volcaniques, de fractures violentes et de lentes sédimentations… Et, pour que le sable des plages crisse sous les pieds des enfants, devienne château d’un moment que la vague emportera le moment suivant, il a fallu les milliards d’actions microscopiques et les milliards d’heures oubliées où le vent et l’érosion, les fleuves et les marées ont décomposé les roches, émietté les sédiments marins en fines particules, dessiné les dunes. Dans la surprise de ce changement d’échelle qui renouvelle le visible, nous faisons l’expérience de Job conduit par Dieu à visiter la création selon la prodigalité sans mesure de son Créateur : « Où étais-tu, quand je fondai la terre ? Qui enferma la mer à deux battants quand elle sortit du sein, bondissante ? As-tu, une...
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