En un vigoureux essai, Véronique Albanel invite à quitter les peurs et les tentations de repli qui traversent l'Europe, et à se risquer à prendre une autre voie : celle de la rencontre et de l'hospitalité.

Le livre part du constat de la crise de l'hospitalité qui paralyse l'Europe et propose de l'éclairer à partir d'une analyse de nos peurs collectives. L'auteure met en lumière que la grande peur d'aujourd'hui a un nom, la « théorie du grand remplacement ». Cette théorie, partie de France à partir du livre de Renaud Camus, dit que le processus d'immigration venant d'Afrique noire et du Maghreb est organisé en vue de remplacer en deux générations la population européenne. Cette thèse alarmiste alimente depuis lors une peur incontrôlée, qui se double d'une interprétation conspirationniste et tourne à l'idéologie. S'appuyant sur les travaux de spécialistes reconnus, Véronique Albanel réfute cette théorie et montre que, les peurs demeurant, il convient de les prendre au sérieux si nous voulons cheminer vers une expérience heureuse de la rencontre de l'étranger.

Son ouvrage procède alors en trois temps : d'abord regarder nos peurs réelles et imaginaires qui peuvent conduire à remettre en cause nos principes moraux, notre attachement à la vérité et notre droit ; puis reconnaître que, fondamentalement, ces peurs cachent des impensés ou des refus de penser qui sont porteurs de visions régressives de l'homme et du monde, et donc affronter ces impensés qui rendent la fraternité impossible ; et, finalement, renouer avec le goût et le savoir-faire de l'hospitalité que nous avons, pour une part, perdu. Dans ce troisième moment, l'auteure dessine un itinéraire passant par les conditions d'accès à la fraternité, les principes de la fraternité et sa mise en œuvre, tout en nommant avec lucidité et vérité que notre fraternité a des limites et qu'elles sont légitimes.

L'auteur achève son essai en soulignant que « la question migratoire est devant nous » et peut devenir un « défi heureux, une véritable chance, si nous parvenons à balayer la peur de l'autre pour oser la rencontre, si nous savons reconnaître les talents de ceux qui arrivent, si nous réussissons à nous rassembler et à tenir bon sur nos principes et nos valeurs » (p. 135).

Oui, la joie de la rencontre est à notre porte, et Véronique Albanel, avec son ouvrage, nous donne des clés pour nous y ouvrir. Une très bienfaisante lecture pour notre temps.