Desclée de Brouwer, 2024, 300 p., 19,90 €.

Au moment où les éthiques de la vulnérabilité et les pensées du care suscitent un réel engouement, cet ouvrage vigoureux et de lecture agréable de Michel Fédou, professeur émérite aux facultés Loyola de Paris, propose un recentrement bienvenu sur le cœur du message de la Bonne Nouvelle. Au croisement de plusieurs disciplines, le livre pose une question fondamentale qui constitue un fil rouge pour les dix chapitres du livre : « Peut-on attribuer la compassion à Dieu même, et en quel sens ? » (p. 8). Le premier chapitre clarifie la compréhension sémantique de la compassion, rapportée à l'empathie, la miséricorde, la sollicitude, la pitié. Les chapitres suivants, théologiques et exégétiques (ch. 2 à 4), montrent un Dieu qui s'approche, qui est affecté et dont la présence bienveillante se manifeste tant dans l'ancienne que la nouvelle alliance. Puis l'auteur aborde (ch. 4 à 6) l'histoire de cette notion à travers de multiples auteurs, des Pères à l'époque moderne, en évoquant des débats passionnants, comme celui auquel participa saint Bernard, qui affirmait que « Dieu est immuable mais n'est pas incapable de compatir » (p. 111). Est exploré ensuite avec nuance et perspicacité le débat sur la souffrance humaine et la façon dont la miséricorde divine se manifeste. On notera le long et original chapitre 9 sur la façon dont la compassion de Dieu s'observe dans l'art et la littérature. Le dernier chapitre propose une propédeutique pertinente entre la compassion chrétienne et la compassion bouddhiste. L'auteur peut conclure : si la compassion existe bien au sein de la condition humaine, la foi chrétienne affirme avec force qu'elle provient bien du Fils de Dieu incarné. Le Christ transforme cette compassion humaine en Passion divine (p. 292) et celle-ci va jusqu'au bout d'elle-même en se faisant Résurrection. Elle permet à Dieu de se révéler pleinement et définitivement compatissant, manifestant ainsi sa joie infinie pour le monde entier.