Cerf, 2004, 327 p., 39 €.
Alors que l'on croyait tout savoir sur la Sixtine et que l'on s'habituait aux couleurs restaurées, Michel Masson, sans égard aucun, dessille les yeux du lecteur-spectateur pour l'entraîner dans un itinéraire spirituel tout à fait inattendu. Qui lit ce livre ne regardera plus jamais la Chapelle Sixtine comme avant.
Nous savions qu'en 1473 le pape Sixte IV avait fait construire cette église — qui porte son nom — pour la célébration de cérémonies papales et pour la réunion des conclaves. Ghirlandaio, Botticelli, Le Pérugin, Signorelli, Rosselli en avaient décoré les parois latérales. Nous savions que Michel-Ange en avait peint la voûte en 1508-1512 et qu'il avait recouvert au chevet la fresque du Pérugin par un immense Jugement dernier en 1535-1541. Michel-Ange avait articulé ses œuvres avec celles des murs latéraux afin que tous les regards puissent être « éblouis », non par une mosaïque d'émotions esthétiques, mais par un ensemble sacré. Michel Masson en décrit la puissante orchestration interne qui déstabilise, bouleverse, attire, retient, immobilise celui qui y pénètre. Tout se joue autour de l'autel, lieu de rencontre de l'humain et du divin.
Mais Michel Masson ne nous conduit plus à un savoir. II nous fait voir. Voir une nudité si ostensiblement présente, que l'œil ne peut l'éluder. Paradoxe absolu puisque, dans ce haut lieu d'éblouissement sacré, notre regard se heurte à pas moins d'une cinquantaine de nus — sans compter les putti ! Ces nus ne se réfèrent ni à l'idéal antique, ni aux classifications pédagogiques de la symbolique religieuse médiévale. Masson prévient encore : ils ne peuvent pas non plus être transcendés par l'art, car nous sommes dans une église. Et, au début du XVIe siècle, le nu ne va pas de soi. Nous sommes donc fondés à être surpris par l'audace quelque peu provocatrice de Michel-Ange. Certains nus sont très grands, d'autres s'exposent, impudiques. Comme si Michel-Ange avait fait du nu le thème central de son œuvre.
Et si cela était ? Chapitre après chapitre, sans jamais se complaire dans les lieux communs de l'érotisme, mais sans jamais esquiver ces lieux révélateurs de l'humain, y pénétrant même quand la vision l'y oblige, l'auteur entraîne son lecteur à regarder les scènes bibliques (Jonas, Noé, la Création ) au-delà de deux réactions légitimes mais inadéquates : fureur et fuite devant un paganisme débridé ou admiration béate mais anesthésiée.
Des abîmes où il avait entraîné le fidèle, l'auteur le fait remonter à la lumière divine. Les Ignudi de Michel-Ange rappellent l'enseignement de François d'Assise : ils sont l'abandon même de tout signe extérieur (le vêtement), de toute défense, ils sont l'offrande ardente de tout l'être. Sur les fresques de la Sixtine, associés aux scènes extrêmes de la Genèse ou du Jugement dernier, ils sont des lieux où penser autrement la chair, dans les plus grands mystères de la Création, de l'Incarnation, de la Résurrection.
Alors que l'on croyait tout savoir sur la Sixtine et que l'on s'habituait aux couleurs restaurées, Michel Masson, sans égard aucun, dessille les yeux du lecteur-spectateur pour l'entraîner dans un itinéraire spirituel tout à fait inattendu. Qui lit ce livre ne regardera plus jamais la Chapelle Sixtine comme avant.
Nous savions qu'en 1473 le pape Sixte IV avait fait construire cette église — qui porte son nom — pour la célébration de cérémonies papales et pour la réunion des conclaves. Ghirlandaio, Botticelli, Le Pérugin, Signorelli, Rosselli en avaient décoré les parois latérales. Nous savions que Michel-Ange en avait peint la voûte en 1508-1512 et qu'il avait recouvert au chevet la fresque du Pérugin par un immense Jugement dernier en 1535-1541. Michel-Ange avait articulé ses œuvres avec celles des murs latéraux afin que tous les regards puissent être « éblouis », non par une mosaïque d'émotions esthétiques, mais par un ensemble sacré. Michel Masson en décrit la puissante orchestration interne qui déstabilise, bouleverse, attire, retient, immobilise celui qui y pénètre. Tout se joue autour de l'autel, lieu de rencontre de l'humain et du divin.
Mais Michel Masson ne nous conduit plus à un savoir. II nous fait voir. Voir une nudité si ostensiblement présente, que l'œil ne peut l'éluder. Paradoxe absolu puisque, dans ce haut lieu d'éblouissement sacré, notre regard se heurte à pas moins d'une cinquantaine de nus — sans compter les putti ! Ces nus ne se réfèrent ni à l'idéal antique, ni aux classifications pédagogiques de la symbolique religieuse médiévale. Masson prévient encore : ils ne peuvent pas non plus être transcendés par l'art, car nous sommes dans une église. Et, au début du XVIe siècle, le nu ne va pas de soi. Nous sommes donc fondés à être surpris par l'audace quelque peu provocatrice de Michel-Ange. Certains nus sont très grands, d'autres s'exposent, impudiques. Comme si Michel-Ange avait fait du nu le thème central de son œuvre.
Et si cela était ? Chapitre après chapitre, sans jamais se complaire dans les lieux communs de l'érotisme, mais sans jamais esquiver ces lieux révélateurs de l'humain, y pénétrant même quand la vision l'y oblige, l'auteur entraîne son lecteur à regarder les scènes bibliques (Jonas, Noé, la Création ) au-delà de deux réactions légitimes mais inadéquates : fureur et fuite devant un paganisme débridé ou admiration béate mais anesthésiée.
Des abîmes où il avait entraîné le fidèle, l'auteur le fait remonter à la lumière divine. Les Ignudi de Michel-Ange rappellent l'enseignement de François d'Assise : ils sont l'abandon même de tout signe extérieur (le vêtement), de toute défense, ils sont l'offrande ardente de tout l'être. Sur les fresques de la Sixtine, associés aux scènes extrêmes de la Genèse ou du Jugement dernier, ils sont des lieux où penser autrement la chair, dans les plus grands mystères de la Création, de l'Incarnation, de la Résurrection.