A l’évidence une idée de Dieu, voire un désir de Dieu, habite aujourd’hui beaucoup de gens, et même parfois d’une façon récurrente et lancinante qui n’est pas sans évoquer la conversion de saint Augustin.

 

Rencontres, entretiens, témoignages font affleurer cet élan d’un désir prêt à s’en remettre totalement à cette force si vivante qui attire et appelle au-dedans de soi. Mais là justement, au moment de lâcher prise, de s’abandonner de toute sa foi dans cette relation mystérieuse et à proprement parler « consolante » dans la joie qu’elle donne, les mots et souvenirs qu’elle fait monter de la mémoire, tombe le couperet.
Question posée par autrui ou montant du plus profond de soi, peu importe, elle surgit là comme l’écran noir qui vide toute réalité : « Et si Dieu n’existait pas ? Comment être sûr qu’il s’agit de Dieu ? ».


 

Que se passe-t-il alors ? C’est notre « mental » qui fait ici brutalement écran et interdit le désir spirituel, entendant par mental toutes ces pensées et images pétries de la culture du temps, qui s’animent en nous au fil de nos activités, rencontres et réflexions. Leur puissance est d’autant plus forte aujourd’hui qu’elles prennent la plupart du temps des apparences très rationnelles, et ce faisant, elles viennent jeter un soupçon sur la possibilité d’une vie ouverte, féconde et pensée, édifiée sur la confiance en Dieu. Notre mental, si utile et nécessaire à l’ordinaire de la vie, peut aussi engendrer des illusions mortelles pour la vie spirituelle et son inspiration dans les multiples registres de notre humanité : une prière anémiée, une ouverture à l’autre très mesurée, un regard négatif et craintif sur le monde, une perte de confiance dans l’avenir….


 

L’évangile est pourtant très clair. Ce n’est pas d’être convaincu et assuré de l’existence de Dieu qui fait vivre de la foi. Les sages et les savants, les pharisiens s’enferment dans des interprétations qui les aveuglent sur la réalité et les amène à condamner Jésus, Dieu parmi nous. Le riche du récit de Luc possède un savoir de Dieu qui ne l’ouvre pas à Lazare, à l’autre si proche de lui, mais qui l’enferme sur ses richesses. A l’inverse, la toute première parole de l’homme dans la Bible dit l’émerveillement et l’action de grâce d’Adam devant la femme qui lui est donnée, Abraham part sur la foi en la parole qui retentit au plus profond de lui-même, source d’un peuple innombrable, Matthieu se lève « aussitôt » et suit Jésus qui l’entraîne dans sa vie. De l’annonciation à la résurrection, dans toute son humanité, le Christ ne vient-il pas rendre toute sa place et son origine divine à l’amour, sauvant notre affectivité d’un mental qui la nie ou d’un débridement qui l’étouffe ?


 

La prière est peut-être cette tentative de recevoir et orienter ce mental, riche de tout ce qu’il peut réaliser, au bénéfice de notre vie de foi. Choix quotidien de nous ouvrir patiemment à la présence de l’autre en nous : la parole s’y fait jubilation jusque dans le silence, et la confiance désir de servir et d’aimer ici et maintenant.