Une fois tous les trois ans, lors de la fête de la Sainte Famille, les fidèles admirent la manière dont le prédicateur passe sous silence la deuxième lecture. À sa décharge, il faut bien avouer qu’insister sur Colossiens 3,12-21 ne serait pas à même de contribuer à la paix des ménages, en tout cas en contexte occidental et en cette période de Noël où les familles, cahin-caha, tentent de se réunir, voire de se reconstituer. On connaît les deux versets les plus problématiques : « Vous les femmes, soyez soumises à votre mari ; dans le Seigneur, c’est ce qui convient. Et vous les hommes, aimez votre femme, ne soyez pas désagréables avec elle » (v. 18-19).
On aura beau « les replacer dans le contexte de l’époque », ces injonctions feront immanquablement grincer des dents. D’une part, les femmes modernes ne pourront qu’être offusquées par cette soumission qui est exigée d’elles, comme si elles étaient incapables de s’assumer elles-mêmes, et les hommes ne pourront qu’être agacés par le lourd soupçon, assené comme une évidence, qu’ils manquent de sentiment et font souffrir leur femme (chose d’autant plus irritante qu’elle est en l’occurrence énoncée par un homme). Cependant, on ne peut dire que saint Paul ait été égaré par une colère passagère à l’écoute de ce qu’on lui aurait dit des moeurs conjugales désastreuses des habitants de Colosses (au centre de l’actuelle Turquie), puisque l’on retrouve des passages très proches en 1 Corinthiens 7 et 11, Tite 2, et surtout Éphésiens 5,21-33.
 

« Dans le Seigneur »



La gêne – voire la colère – des fidèles d’aujourd’hui à l’écoute de pareil texte est donc légitime. En effet, nul n’est censé ignorer que, pour le mariage civil, le texte de l’article 213 selon lequel « le mari doit protection à sa femme et la femme obéissance à son mari » a été remplacé depuis les années 70 par une formule plus pacifiante : « Les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance. » De surcroît, à la suite de Vatican II 1, le prêtre, lors du mariage religieux, est amené à célébrer la dignité aux yeux de Dieu de l’échange des consentements mutuels entre époux : « Tu as voulu que l’homme et la femme, créés par ta bonté, atteignent à une telle grandeur que l’affection mutuelle des époux soit une image de ton amour... » L’écrasante majorité des commentateurs depuis le Concile n’est pas en reste, à l’instar de l’annotateur de la TOB : « Paul reprend ici [en Col 3] les préceptes moraux énoncés par la philosophie courante ; toutefois, la constante référence au Seigneur les modifie profondément. Noter en particulier, au sein de la famille, la réciprocité introduite entre les devoirs des membres considérés comme forts (maris, parents, maîtres) et les membres tenus pour faibles (épouses, enfants, esclaves). »
 Pour bien comprendre saint Paul, on ne saurait trop souligner, au demeurant, la conscience très...

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