Je ne suis pas née avec internet. J’ai donc bénéficié d’une formation classique sans ordinateur, dans une école avec de grandes tables à dessin, dans de grandes salles aux odeurs mêlées de papier, d’encre, de fixatif en bombe, de colles et d’essence de térébenthine, de café chaud ou refroidi et de fumée de cigarettes. J’ai touché, plié, découpé et déchiré des papiers et des cartons. J’ai tenu en main des feutres de toutes les couleurs. J’ai appris à tailler mes crayons avec un cutter. J’ai mâchouillé mes crayons mine et senti le goût du bois dans ma bouche. J’ai appris à tendre mes lavis blancs à la japonaise. J’ai tendu l’oreille au bruit du papier qui sèche et se tend. Quand je me trompais, je devais gratter mon erreur à la lame de rasoir, puis gommer le papier pour le lisser et empêcher que mon Rotring ne bave. J’ai pleuré quand, pour une petite tache d’encre sur un beau papier Vélin blanc, il fallait recommencer tout mon travail, gâchant des dizaines d’heures de labeur.