Nous étions fiancés
nous devions nous marier
mais un jour tu es entré
et tu as pris ma fiancée !
 
Je n’ai pas pu lutter
je ne me suis pas révolté
mais mes larmes ont coulé.
ô ma Bien-Aimée !
 
Longue est la nuit et long le jour
proche est l’angoisse – que ferai-je ?
Nous étions fiancés,
nous devions nous marier
mais toi, tu l’as aimée le premier.
Je ne l’avais pas touchée,
je l’avais respectée, elle l’immaculée !
Comme un voleur, tu me l’as prise,
Marie ! ma vie !
 
Mon cœur blessé ne peut que crier :
ô ma Bien-Aimée, ma toute belle !
Contre toi je n’ai pu lutter, Seigneur
je n’ai que ma douleur.
Que ferai-je ?
 
Comment te répudier, ô toi, ma fiancée ?
Cette nuit je partirai, dans le secret, dans le silence
loin, au-delà des mers, dans les îles lointaines.
Déjà le navire a mis ses voiles.
Et toi tu retourneras dans ta parenté
Adieu, ma Bien-Aimée.
Dans le secret, dans le silence
Dieu seul peut t’aimer
plus que moi je t’aime.
 
Nous étions fiancés
nous devions nous marier
mais Dieu t’a aimée le Premier.
Contre lui, je ne veux pas lutter.
 
Prends, Seigneur, ma vie,
prends ma vie : Marie…
Et reçois ma liberté tout entière
tout ce que j’ai, c’est toi qui me l’as donné.
Donne-moi de t’aimer,
accorde-moi cette grâce. Elle me suffit.
Amen.
 
Joseph a écrit à sa Bien-Aimée la lettre, avec ses larmes, avec son sang : « Où iras-tu te cacher, Bien-Aimée ? Dans le secret du Rocher, qu’Il te garde ! ».
Et puis il est allé dormir. Mais survient l’Ange du Seigneur qui lui fait part de sa vocation : « Ne crains pas, fils de David. Oui, tu vas prendre Marie, la Bien-Aimée. Et tu seras le père de l’enfant, parce qu’il est le descendant de David. Tu vas prendre Marie, toi qui disais dans ton humilité :«Je ne suis pas digne qu’elle vienne sous mon toit et demeure chez moi, puisque c’est par Dieu qu’elle est habitée. Accueille-la.».
 
Et voici Joseph qui reçoit de Dieu le trésor auquel il avait renoncé. Et maintenant, Marie est là. Mais il n’y touchera pas. Il ne la connaîtra pas. Il ne saura rien de sa chair de tendresse, mise à part, destinée au seul Fils de Dieu.
 
Dieu le garde de cette aile de l’Ange qui le protège et le sépare tout ensemble de Marie. Toute sa vie, il a vécu avec Marie – et Jésus. Sans la connaître selon la chair, recevant chaque jour de Dieu, et d’elle, une autre connaissance. Lumière dans ses yeux purs où Jésus a puisé la connaissance du Père.
 
Liberté de Joseph qui n’a jamais possédé le don de Dieu. Il avait fallu qu’il y renonce d’abord pour apprendre à veiller sur le trésor de Dieu, sans y toucher, sans curiosité, tout entier à sa tâche amoureuse, libre, gardé par Dieu.
 
Geneviève Perret
Sœur de Marie-Auxiliatrice
Bafoussam (2000)