L'Amour en nous, c'est donc le sentiment de notre insuffisance radicale, conséquence du péché, et le désir, issu des sources mêmes de l'être, d'être réintégrés dans l'état de plénitude. L'Amour est donc bien le médecin de notre mal originel. Nous n'avons pas à nous demander comment produire l'amour en nous, il est en nous, de la naissance à la mort, impérieux comme une faim, nous devons seulement savoir le diriger. […]

Pour imiter l'Amour divin, il faut aussi ne jamais exercer la force. Étant des êtres de chair et pris dans la nécessité, nous pouvons être contraints par une obligation stricte de transmettre la violence du mécanisme dont nous sommes un rouage, par exemple comme chefs sur des subordonnés, comme soldats sur des ennemis. Il est souvent très difficile, douloureux et angoissant de déterminer jusqu'où va l'obligation stricte. Mais il est simple de prendre comme règle de ne jamais aller vis-à-vis d'autrui, ni même vis-à-vis de soi-même dans l'usage de la contrainte, même d'un millimètre au-delà de l'obligation stricte, et cela non seulement à l'égard de la contrainte proprement dite, mais aussi de toutes les formes déguisées de contrainte, la pression, l'éloquence, la persuasion qui se servent de ressorts psychologiques. N'user d'aucune espèce de contrainte ni envers autrui, ni envers soi-même hors du domaine de l'obligation stricte, et ne souhaiter aucune espèce de puissance ou de prestige, même en vue du bien, c'est aussi une forme de la vertu d'obéissance.