La vérité est-elle encore la bienvenue dans notre monde 1 ? À première vue, il semble que l'on s'efforce de la faire au maximum, à tous les niveaux. Tout en haut, une armée de chercheurs s'efforce de lire le grand livre de la nature, à la poursuite de ses ultimes secrets. Jamais une société n'a consacré une aussi grande partie de ses ressources à la recherche du vrai. Tout en bas, journalistes et hommes des médias promettent de « faire toute la vérité » sur la vie privée de tel ou tel politicien, sportif, ou vedette. La télévision prétend nous faire voir la réalité de plus en plus vite, « en temps réel », nous mener de plus en plus profond au-delà des frontières de la vie privée. Un public nombreux se passionne pour les vulgarisations des premiers. Un autre, plus nombreux encore, se vautre dans les crasseuses révélations des seconds.
Et pourtant ? Est-ce bien la vérité qui nous intéresse ? Ne parlons pas des montreurs médiatiques. À supposer que ce qu'ils prétendent dévoiler tel quel ne soit pas pur montage, ce qu'ils nous montrent ou nous montent est-il de l'ordre de la vérité ?
Les scientifiques, de leur côté, invoquent parfois la vérité avec emphase quand ils s'adressent à d'autres qu'eux-mêmes, que ce soient leurs commanditaires qui attendent un retour sur leurs investissements ou le public des ouvrages ou émissions de vulgarisation, qui veut qu'on l'épate. Ils en parlent beaucoup moins souvent quand ils réfléchissent pour leurs collègues. Il suffit de dire qu'une hypothèse est confirmée, ou en tout cas pas encore infirmée, par l'expérience, qu'une théorie « marche » jusqu'à nouvel ordre. Les acquisitions de la recherche sont contrôlables par la communauté scientifique. Leurs applications technologiques fonctionnent et livrent des résultats dont on peut constater l'efficacité. Mais dire qu'un résultat scientifiquement avéré est « vrai », cela semble une redondance inutile.

La vérité suspecte


Peut-être cette prétention à la vérité serait-elle même pire qu'inutile, dangereuse. Dans la rhétorique