Face aux situations de très grande pauvreté, se lève peu à peu la prise de conscience suivante : il n’est plus possible d’agir seulement pour les personnes qui connaissent la misère, il faut également agir avec elles. Pour cela, nous devons affermir notre volonté de redonner la parole à ceux et à celles qui ne l’ont plus et nous mettre enfin à leur écoute. Cela signifie adopter d’autres attitudes dans nos pratiques d’aide aux plus démunis à savoir reconnaître enfin qu’ils sont les premiers experts dans la lutte contre la pauvreté et la multitude des servitudes qu’elle engendre.

Donner la parole et se mettre à l’écoute, c’est aussi adopter une attitude intérieure de distance respectueuse. C’est une façon d’accorder notre attention à l’autre à la manière de Jésus : c’est à dire, considérer que l’autre est, et doit demeurer, acteur de son salut. À chaque fois que le Christ dit « que veux-tu que je fasse pour toi ? » ou « ta foi t’a sauvé », il montre que la libération dont il demeure la source vient cependant aussi d’un germe de vie enfoui en chacun. Bien qu’il soit notre Seigneur Jésus se retire : il se refuse à être donné pour maître « pourquoi m’appelles-tu maître ? ». Il rend sa dignité aux hommes et aux femmes de bien des façons, son infinie discrétion en est une. Nous autres disciples, nous devrions nous mettre à son école et nourrir en nous cette même confiance dans le fait que la possibilité d’une renaissance est présente en chacun. Il ne nous revient pas de sauver l’autre sans lui, ou malgré lui, mais de l’accompagner pour qu’il advienne par lui-même au salut que le Seigneur lui réserve.