Pygmalion, 2010, 348 p., 21 euros.

Dans la vie de saint Jean-Baptiste de la Salle (1651-1719), fondateur des Frères des écoles chrétiennes, que retrace ici Christophe Mory, on cherchera en vain de grands élans mystiques. Pourtant, même si elle peut paraître mineure à première vue, la dimension spirituelle se dégage comme en creux de son par­cours, et ce à plusieurs niveaux.
Le lien établi entre spiritualité et éducation d’abord, qui mérite qu’on y revienne aujourd’hui où le souci édu­catif apparaît comme l’obsession de nos sociétés. Chez Jean-Baptiste de la Salle, la nécessité d’une éducation humaine se voit fortement soulignée pour prendre en compte l’ensemble de la personnalité de l’enfant. Dans les écoles, la pédagogie se caractérise en particulier par l’insis­tance sur la civilité et le sens pratique, le respect des jeunes.
L’émergence, par ailleurs, d’une vie religieuse laïque et non cléricale fondée par le saint entend mieux porter la mis­sion éducative. Plusieurs siècles avant Vatican II, l’initiative fait date et n’est pas sans rencontrer de nombreux obstacles, notamment de la part du clergé. Elle traduit aussi une véritable conversion de la part de Jean-Baptiste, une évolu­tion personnelle déterminante : pour ce fils de grande famille rémoise, les hommes qu’il recrute pour s’occuper des enfants en difficulté sont à ses yeux, au départ, de quasi-domestiques. Ils vont peu à peu devenir des frères, des compagnons dans les heures joyeuses ou dures de la mission. Le renversement est remarquable, comme le montre très bien Christophe Mory.
À l’époque de Louis XIV, des fastes du Roi Soleil, Jean-Baptiste de la Salle n’hésite pas à écrire : « Regardez les en­fants dont Dieu vous a chargés comme les enfants de Dieu même. Ayez beau­coup plus de soin de leur éducation et de leur instruction que vous n’en aurez des enfants d’un roi. » Un rêve impos­sible… ou un beau programme pour les éducateurs de notre temps ?