« Tu as permis, Seigneur, que j’aille au bout de l’impasse.
J’ai connu l’horreur de l’existence ;
J’ai maudit ma propre vie.
J’ai perdu le souvenir de ton visage
Et tu me faisais peur.
Je vivais aux frontières de la révolte et du blasphème.
Je n’étais plus qu’un mort vivant.
Mais au bout de l’impasse,
Tu m’avais donné rendez-vous.
Tu m’attendais les bras ouverts sur le bois de la croix.
Alors j’ai reconnu ton vrai visage :
Toi, notre Dieu, qui as un coeur pour la misère,
Toi, Jésus qui m’as aimé et t’es livré pour moi.
Ton amour m’a sauvé.
Ma souffrance, mon péché, ma peur mortelle,
Tu as tout brûlé dans ta compassion. »
L’homme qui prie ainsi s’appelle Pierre-Étienne Lardeur. Il est mort le 22 janvier 2004 d’une rupture d’anévrisme. Il était prêtre du diocèse de Sens-Auxerre. Son confrère et ami, dont il avait fait son exécuteur testamentaire, Pierre-Marie Lhoste, a publié le Journal 1 qu’il a tenu de 2000 à 2003 pour, disait-il, « exercer la fonction symbolique du langage », que dans sa vie publique il ne s’était jamais senti capable d’assumer. Si le P. Lhoste a pris le risque de publier ce document, c’est dans le but de « faire connaître l’âpreté du combat spirituel chez quelqu’un dont le psychisme est perturbé par une névrose » et d’aider, dans ses propres difficultés, celui qui le lira à ne jamais désespérer de la miséricorde du Père.
C’est précisément sous le double signe du symptôme névrotique et de l’infinie miséricorde de Dieu que Pierre-Étienne Lardeur, à la date du 29 novembre 2002, fait le récit de son histoire. L’histoire d’un enfant surdoué et tourmenté qui, en réponse à l’appel entendu, deviendra un séminariste modèle mais muet : « Je n’avais rien à dire à personne. » Les vingt-sept mois de service militaire en Algérie qui devaient interrompre sa formation le délivrent de cette épreuve et le confirment dans la voie qu’il avait choisie. Mais, revenu au Séminaire des Carmes pour les trois années d’études qu’il lui reste à accomplir, il est assailli par le doute et les difficultés : son directeur spirituel l’accable de son chantage affectif pour en définitive l’abandonner à la solitude de sa décision. Lardeur conclut : « Humainement, mon ordination sacerdotale fut une erreur. Je n’étais pas fait pour le sacerdoce diocésain ».
Ordonné prêtre en avril 1963, il est nommé à la rentrée suivante professeur de mathématiques au collège Saint-Jacques de Joigny. « Un échec total », écrit-il. Au bout de deux ans, c’est à la paroisse Saint-Jean de Joigny qu’il est nommé vicaire. Il y passe cinq ans qui se solderont par une « grande dépression nerveuse ». C’est alors qu’il décide, avec l’accord de son évêque, d’« exercer [son] sacerdoce dans un travail salarié ». Sa licence de mathématiques lui permet d’être embauché comme ingénieur en informatique à Paris où il vivra...
J’ai connu l’horreur de l’existence ;
J’ai maudit ma propre vie.
J’ai perdu le souvenir de ton visage
Et tu me faisais peur.
Je vivais aux frontières de la révolte et du blasphème.
Je n’étais plus qu’un mort vivant.
Mais au bout de l’impasse,
Tu m’avais donné rendez-vous.
Tu m’attendais les bras ouverts sur le bois de la croix.
Alors j’ai reconnu ton vrai visage :
Toi, notre Dieu, qui as un coeur pour la misère,
Toi, Jésus qui m’as aimé et t’es livré pour moi.
Ton amour m’a sauvé.
Ma souffrance, mon péché, ma peur mortelle,
Tu as tout brûlé dans ta compassion. »
L’homme qui prie ainsi s’appelle Pierre-Étienne Lardeur. Il est mort le 22 janvier 2004 d’une rupture d’anévrisme. Il était prêtre du diocèse de Sens-Auxerre. Son confrère et ami, dont il avait fait son exécuteur testamentaire, Pierre-Marie Lhoste, a publié le Journal 1 qu’il a tenu de 2000 à 2003 pour, disait-il, « exercer la fonction symbolique du langage », que dans sa vie publique il ne s’était jamais senti capable d’assumer. Si le P. Lhoste a pris le risque de publier ce document, c’est dans le but de « faire connaître l’âpreté du combat spirituel chez quelqu’un dont le psychisme est perturbé par une névrose » et d’aider, dans ses propres difficultés, celui qui le lira à ne jamais désespérer de la miséricorde du Père.
C’est précisément sous le double signe du symptôme névrotique et de l’infinie miséricorde de Dieu que Pierre-Étienne Lardeur, à la date du 29 novembre 2002, fait le récit de son histoire. L’histoire d’un enfant surdoué et tourmenté qui, en réponse à l’appel entendu, deviendra un séminariste modèle mais muet : « Je n’avais rien à dire à personne. » Les vingt-sept mois de service militaire en Algérie qui devaient interrompre sa formation le délivrent de cette épreuve et le confirment dans la voie qu’il avait choisie. Mais, revenu au Séminaire des Carmes pour les trois années d’études qu’il lui reste à accomplir, il est assailli par le doute et les difficultés : son directeur spirituel l’accable de son chantage affectif pour en définitive l’abandonner à la solitude de sa décision. Lardeur conclut : « Humainement, mon ordination sacerdotale fut une erreur. Je n’étais pas fait pour le sacerdoce diocésain ».
Ordonné prêtre en avril 1963, il est nommé à la rentrée suivante professeur de mathématiques au collège Saint-Jacques de Joigny. « Un échec total », écrit-il. Au bout de deux ans, c’est à la paroisse Saint-Jean de Joigny qu’il est nommé vicaire. Il y passe cinq ans qui se solderont par une « grande dépression nerveuse ». C’est alors qu’il décide, avec l’accord de son évêque, d’« exercer [son] sacerdoce dans un travail salarié ». Sa licence de mathématiques lui permet d’être embauché comme ingénieur en informatique à Paris où il vivra...
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