L’auteure de ce livre est une enseignante, spécialiste d’histoire religieuse contemporaine. Elle se définit aussi comme laïque consacrée dans la Communauté de l’Emmanuel. Le projet de ce livre, qui était de traiter l’histoire d’ensemble de la vie consacrée féminine depuis l’origine du christianisme jusqu’à nos jours, n’était pas sans ambition ni sans risque. Le résultat est intéressant, même s’il concerne surtout l’Europe et plus précisément la France. Dix chapitres se suivent, chacun caractérisant une étape de cette histoire, et l’ensemble se lit facilement. Les trois derniers chapitres sont particulièrement bien écrits et fondés, même si le bouleversement théologique et spirituel apporté à la vie religieuse féminine par le concile Vatican II aurait peut-être mérité un regard plus positif et reconnaissant (cf. pp. 206-209). Quant aux premiers chapitres de l’ouvrage, ils représentent une bonne synthèse, dans un langage simple, des études déjà publiées sur le sujet, dont on apprécie de trouver les références en notes. Il est heureux de rencontrer, au cours de la lecture, la vie et l’oeuvre de certaines femmes qui conservent une certaine notoriété chez les chrétiens jusqu’à nos jours : Macrine, Hildegarde de Bingen, Claire d’Assise, Jeanne d’Arc, Catherine de Sienne, Colette de Corbie, Thérèse d’Avila, Angèle Merici, Marie de l’Incarnation, Marguerite Bourgeoys, Thérèse de l’Enfant Jésus, Élisabeth de la Trinité… Se pose pourtant la question des sources historiques choisies pour rédiger ces premiers chapitres. Car ce sont surtout des sources institutionnelles ou hagiographiques qui véhiculent, dans leur écrasante majorité, les cadres interprétatifs masculins et cléricaux de la société et de l’Église de ce temps. Il serait juste de chercher comment ce « sexe faible », ces filles ou ces femmes, dont un certain nombre n’avaient pas choisi elles-mêmes cette forme de vie, se nourrissaient ou non de ces discours, et comment elles vivaient concrètement au quotidien. Pour cela, nous avons besoin d’autres sources plus difficiles à trouver, celles de la « pratique », telles que coutumiers, récits, livres des conseils et chapitres, nécrologies, rituels des professions, poèmes et
prières, lettres, livres de compte, actes notariés, etc. La recherche de telles sources nous permettra sans doute de découvrir une histoire qui serait moins idéalisée et plus incarnée, sans pour autant en être moins passionnante.