On connaît l'étonnante prière de Salomon, établi roi sur Israël à la suite de David, son père. A Yahvé qui lui propose de choisir entre tous les dons possibles, Salomon demande la sagesse : « Donne-moi la Sagesse, assise près de toi ! » Pris de vertige entre sa fragilité et la responsabilité qui lui incombe de conduire le peuple de l'Alliance, il supplie le Créateur de lui donner un coeur plein de jugement : « Tu formas l'homme par ta Sagesse pour qu'il gouverne le monde avec justice et sainteté » (Sg 9). C'est ce sentiment de fragilité qui saisit aujourd'hui nos contemporains devant le pouvoir inouï que lui confèrent en tous domaines la science et la technique. Il est passé, le temps des certitudes et des convictions bien établies. Confronté aux questions nouvelles que lui posent ses conquêtes, l'homme hésite et s'interroge avec un mélange d'espoir et d'angoisse : « Mais moi, je suis un homme frêle et qui dure peu, trop faible pour comprendre tes desseins. »
Ils sont pourtant légion, les sages de ce monde, à donner de bons conseils tirés des traditions orientales ou des thérapies occidentales, des philosophies anciennes ou modernes. Mais cette panoplie plonge chacun dans une nouvelle perplexité. Ce qu'il nous faut, c'est une vraie sagesse, ouverte comme jadis aux sagesses humaines pour y puiser le meilleur, mais qui, sans se confondre avec elles, soit une sagesse originelle — celle-là même qui présida à la création : « Elle était là quand tu fis l'univers et connaît ce qui plaît à tes yeux. »
Pour connaître ce qui plaît à Dieu, nous avons besoin de quelque chose de plus que la loi et les prophètes. La loi rappelle les commandements et structure la conscience ; les prophètes annoncent le Royaume et dénoncent les idoles ; mais c'est la sagesse qui donne saveur à la Parole et fait trouver avec bonheur comment la mettre en pratique dans les circonstances nouvelles de la vie. Sans elle, l'obéissance reste formaliste et l'écoute cérébrale. La vraie vie, la vie spirituelle, a besoin de cette triple respiration, figurée par les trois genres littéraires de la Bible : la loi, les prophètes et la sagesse. D'ailleurs, nos contemporains, si allergiques aux dogmes et aux remontrances et pourtant si ouverts aux avis des comités des sages, ne nous font-ils pas sentir qu'ils sont en attente de cette sagesse-là ? « Qu'elle travaille à mes côtés et guide mes pas avec prudence ! »
Elle est un don du Saint-Esprit, et le meilleur. Car elle sait tout, comprend tout et « sonde jusqu'aux profondeurs de Dieu » (2 Co 2,10). En montrant à ses enfants comment les réalités d'en bas se rapportent à celles d'en haut, elle crée en eux les dispositions permanentes qui les rendent souples aux inspirations de l'Esprit. « Convaincus que sans elle, écrivait saint Ignace, nos pensées, nos paroles et nos oeuvres sont mêlées, froides et agitées, nous devons la désirer, pour qu'elles deviennent chaudes, claires et justes pour le plus grand service de Dieu. »