Cerf, coll. « Épiphanie », 2007, 370 p., 25 euros.

Le travail de Cécile Rastoin, mené avec une probité exemplaire et une ferveur communicative, délivre heureusement Edith Stein des clichés, voire des légendes, dans lesquels on a coutume de la momifier, en particulier son allégeance définitive au néo-thomisme, sans doute gage pour beaucoup d’une orthodoxie de la pensée, mais dont doutait un Jacques Maritain fort perspicace.
Cette biographie, en effet, retrace scrupuleusement, et avec un rare talent pédagogique, l’itinéraire intellectuel, et par là même spirituel, de la carmélite de Cologne. Si la conception thomasienne de la vérité lui permit de se dégager de l’emprise d’un Husserl revenu à l’idéalisme, son parcours était loin d’être achevé, découvrant la pensée mystique (Denys, Jean de la Croix) et franciscaine (Duns Scot), quand l’extermination nazie y mit un terme brutal. Parcours singulier d’ailleurs, puisque c’est par le prisme de l’expérience chrétienne qu’Edith (re)découvre son judaïsme originaire.
Seule réserve : ce parcours intérieur est reconstitué dans une linéarité parfaite, lissant les échecs, gommant les obstacles, tous absorbés par un providentialisme généreux qui en relie tous les épisodes à un telos final, scellé dans le témoignage du sang et accompli dans celui de l’écriture. Théologiser l’histoire ne doit pas renoncer à la noblesse spirituelle de l’événement d’être toujours contingent, souvent aléatoire et inattendu, et même douloureux.