Nous devons à la psychologie des profondeurs la mise en évidence des facteurs dynamiques qui sont à l'origine de certaines conduites morales et religieuses. Telle vocation, tel attachement à la chasteté, tel dévouement même, ne sont pas l'expression d'une liberté choisissant de réaliser une valeur spirituelle. Le sujet pose ses actes, adopte ses comportements sans être conscient des mobiles réels qui le poussent : besoin de satisfaire une mère que l'on craint de perdre ou de racheter la faute qu'un prêtre a commise envers l'enfant que l'on était, peur devant les dangers imaginaires d'une affirmation virile de soi-même, etc.

Ces motivations échappent à la conscience, car l'individu ne peut les accepter que sous le couvert de certains camouflages qui permettent d'éviter le conflit ouvert avec des interdits redoutés. C'est ainsi qu'une femme d'une trentaine d'années passait ses journées au lit à cause de spasmes stomacaux. Elle souffrait et pensait faire l'édification de son entourage par sa patience. En fait, l'exploration psychologique a montré qu'elle satisfaisait par là un besoin infantile de capter à son profit les attentions de sa mère, en même temps qu'elle échappait à la culpabilité, en justifiant sa conduite par les spasmes nerveux. Le propre de telles motivations, c'est leur infantilisme. Elles supposent une personnalité qui n'est pas parvenue à la maturité affective. Elles restent rivées à des objectifs remontant à la petite enfance. D'où, en règle générale, la nécessité d'un long travail psychologique, mené sous la direction d'un spécialiste, pour parvenir à en prendre conscience et à les dépasser.

Cette inconscience des motivations névrotiques pose le problème de la valeur des règles classiques du discernement des esprits. Les mouvements de l'âme qui sont ici attribuables au bon ou au mauvais esprit, ne sont-ils pas, au moins en certains cas, l'effet de tendances névrotiques ? De la question posée au doute paralysant, il y a une marge, certes ; mais certains esprits, abusés par une vulgarisation intempérante des données de la psychanalyse, déclarent ne plus pouvoir accorder crédit à leurs émotions les plus nobles, sous prétexte qu'elles manifestent peut-être des tendances inconscientes. Or, les praticiens et les hommes d'expérience sont d'accord pour penser que le problème de motivations névrotiques possibles ne doit pas se poser sans l'existence d'un certain nombre de critères qui permettent de la soupçonner. Il y a des névrosés, mais tout le monde n'est pas névrosé. Si un discernement psychologique en profondeur s'impose dans le premier