Le comportement des catholiques français pendant la deuxième guerre mondiale offre un ample éventail d’attitudes et de réflexions relatives à l’obéissance à l’autorité et au devoir de désobéissance. Tous les résistants, à commencer par De Gaulle, ont été des rebelles, pour divers motifs. Parmi eux, les militants catholiques de la résistance spirituelle – ceux qui puisaient dans leur foi chrétienne leur motivation principale, en s’associant pour la propagande et l’action aux autres résistants – ont désobéi à la fois au gouvernement légal et à la hiérarchie religieuse dont ils reconnaissaient par ailleurs l’autorité. Désobéissance particulièrement scandaleuse, et condamnée comme telle, lorsqu’elle est le fait de théologiens diffusant clandestinement une pensée subversive, de religieux bravant les consignes formelles de leurs supérieurs 1. Une poignée de jésuites lyonnais en a donné un exemple notoire en éditant les Cahiers du Témoignage chrétien clandestins.
 

Défendre la foi ou soutenir le maréchal ?


En trois ans, quatorze Cahiers doublés par douze Courriers plus légers (plus de 500 pages serrées) sont rédigés anonymement, imprimés et diffusés clandestinement, au mépris de la loi de l’État et des règles canoniques sur les publications des religieux 2. Pour servir le « front de résistance spirituelle contre la dictature hitlérienne », ils livrent des informations et des documents, des analyses et des jugements qu’on ne lit dans aucun organe légal, obligatoirement censuré. Ils veulent montrer que le nazisme est décidé à éliminer la foi chrétienne, par la violence ou par la corruption, et dénoncer ses complices, au premier chef le pouvoir de Vichy. Pour eux, celui-ci entretient une équivoque mortelle : le gouvernement qui honore l’Église et la sert ostensiblement apporte aussi sa « collaboration » (en fait sa soumission) à « l’ordre nouveau » allemand, servant ainsi le plan