L'homme moderne a beaucoup de mal à être seul. Paradoxalement, il éprouve autant de difficultés à entrer en relation véritable avec ses plus proches qu'à supporter la solitude. Le goût effréné – jusqu'au snobisme – du « dialogue », de la « dynamique de groupe », de tout ce qui touche à la psychanalyse exprime l'impossibilité qu'il ressent à communiquer avec autrui tout comme son impuissance douloureuse à rentrer en lui-même. Constamment, il oscille entre la conformité d'un anonymat qui le dissout dans la foule et le retrait de l'isolement par lequel il s'affirme contre elle. Mais l'une et l'autre attitudes lui sont insupportables. Tout se passe comme si l'homme d'aujourd'hui était frappé d'une double incapacité : celle de vivre avec les autres et celle de vivre seul. Pas plus qu'il ne se supporte, il ne supporte les autres. Ronde infernale qui lui fait désirer indéfiniment d'être ailleurs que là où, précisément, il se trouve.

Les exemples foisonnent. L'époux muet à la maison, inattentif à la toilette de sa femme ou à la couleur de ses cheveux, devient, dès que, pour une raison quelconque, il est séparé de son foyer, l'auteur passionné de lettres d'amour qui n'omettent aucune délicatesse. Le religieux débordant d'idées apostoliques durant l'austère cheminement de sa formation ou lors de ses retraites, se métamorphose, sur le turf, en un révolté que ne satisfait aucune des conditions dans lesquelles il vit et qui implore, au milieu de ses vicissitudes imaginaires, le bienheureux silence de la Trappe.

L'homme d'aujourd'hui a beaucoup de mal à trouver le chemin de la solitude, le chemin qui le mène à lui-même, au monde et à Dieu.

Qu'est-ce donc que la solitude ? Si elle se définit par la relation à l'autre que je côtoie comme à l'autre qui gît au plus intime de moi-même, la solitude s'oppose à l'isolement qui nie cette relation. C'est pour sortir de cette mauvaise solitude qu'est l'isolement que beaucoup ont recours aux thérapeutiques psychologiques. Nous verrons que ces dernières consistent, en définitive, à convertir le mouvement « carcéral »1 de