Parution initiale dans Christus n° 119 (juillet 1983).

Il est frappant de voir combien de gens s'aiment peu, mal ou pas du tout. Quelquefois, c'est manifeste, jusqu'aux attitudes suicidaires. Ou bien, c'est indirect, c'est masqué, y compris sous l'étalage des prétentions et l'inflation du « moi ». Tel cet homme célèbre et comblé, dont la « vanité » exaspérait. Vue de près, sa vanité était angoisse : il lui manquait toujours quelque chose pour être sûr de sa valeur.

Savoir s'aimer, savoir se haïr

Combien de gens se mésestiment eux-mêmes, se jugent incapables, encombrants, mauvais ! Leur extrême susceptibilité, au moindre reproche qu'on leur fait, en est symptôme : vous appuyez là où ça fait mal.

Il arrive que des vies en soient détruites. Le refus de soi est alors si intense que tout se retourne contre celui qui en est là, y compris ce qu'on lui donne de bon et ce qu'il fait de mieux. Il n'est pas digne qu'on l'aime et il a tort de réussir.

Le malheur du manque d'amour

Les causes ? Si quelqu'un ne s'aime pas, c'est sans doute qu'on ne l'a pas aimé, au moment où c'était nécessaire, pour que, déjà, il s'accepte lui-même.

Malheurs d'enfance. L'enfant pas voulu, rejeté, méprisé, devient cet adulte habité de la blessure secrète, que peut-être il a oubliée – ou apparemment compensée – mais qui pourtant agit encore.

Pour peu que les difficultés de la vie soient un peu trop difficiles, que la situation douloureuse se répète, que le mépris et l'abandon se réitèrent, la blessure se rouvre – quelquefois douloureuse et destructrice jusqu'à l'insupportable.

Au surplus, le manque d'amour n'est pas toujours évident. Il y a des affections maladroites, des séparations accidentelles mais très durement ressenties, des amours excessifs qui sont en réalité de féroces revendications d'affection dont il est bien malaisé de se sortir libre et innocent. Et cætera.

S'y ajoutant, bien sûr, toutes sortes d'autres raisons de se détester ou de se traiter mal. Mais celle-ci est sans doute capitale, parce qu'elle touche à l'origine et à la formation de l'être humain et qu'on n'a guère, sur elle, de maîtrise directe.

Et les effets ? Si l'on se hait