La vie de Thérèse s’inaugure sur un mentir-vrai, un porte-à-faux formidable, probablement ineffaçable. Un faux certificat de hidalguía, acheté à prix d’or et censé faire taire les rumeurs médisantes (mais bien informées) sur les origines des Cepeda, commerçants prospères en laines et tissus (et en finance) en la ville de Tolède, mais soupçonnés de s’obstiner clandestinement dans leur judaïsme originel : des marranos, catholiques d’apparence, juifs qui entendent l’être mais ne savent plus comment l’être. Chrétiens ils sont, mais pas de « vieux-chrétiens ».

La honte du san-benito

En 1485, le grand-père, Juan Sánchez, dénoncé à l’Inquisition, dut supporter l’humiliation de déambuler sept vendredis de suite dans les rues de Tolède revêtu du san-benito, cette collerette jaune qui ensuite, exposée dans l’église paroissiale, estampillée du nom de famille, perpétue l’infamie indélébile pour les générations à venir. Il a fallu quitter Tolède pour Avila, où la rumeur publique épargnait ces nouveaux venus (qui, pour plus de sûreté, avaient choisi le patronyme de la branche maternelle). À défaut de prouver sa bonne foi, on la peut monnayer : ce certificat d’origine nobiliaire dûment fabriqué met certes à l’abri des suspicions, mais oblige à mener train de vie à hauteur de ce que l’on prétend être, à hauteur de réputation, cet « honneur » (honra) qui vous cerne et vous commande. Qu’importe, l’argent est là, toujours aussi généreux et efficace, de quoi mettre en scène dans la visibilité du grand théâtre du monde cette identité, cette origine que l’on sait bien être fictive.
La supercherie aura coûté quelques maravédis