Albin Michel, 2007, 220 p., 16 euros.

On ne peut aborder ce livre qu’avec l’esprit qui l’a inspiré, celui du respect devant une intériorité acrée. Lytta Basset a vécu un drame : Samuel, l’aîné de ses trois fils, a mis fin à ses jours en 2001 à vingt-quatre ans. Cinq ans après, elle relit le journal de cette rupture qui l’a bouleversée et de la douloureuse absence qui l’a suivie, ces notes qu’elle écrivit jour après jour durant un an pour ne pas tomber dans le désespoir et retrouver le chemin de la vie. Histoire d’un deuil qu’elle récrit à la troisième personne, comme pour parler d’une autre, et qu’elle commente cinq ans après. Se sentant « autorisée » par Samuel, elle communique cette confidence, prise de compassion pour tant d’êtres devenus des morts vivants à la suite d’un deuil qui les a broyés.
Comment désirer encore vivre ? C’est la fréquentation de personnages de l’Évangile, la veuve de Naïm, Lazare et ses soeurs, qui lui a rendu possible un autre regard sur la mort d’un proche : ils nous devancent vers ce que nous pressentons. Mais que de souffrances pour les laisser partir ! Quel travail intérieur pour sortir de la culpabilité et traverser l’expérience vertigineuse du manque ! « Nombreuses sont les personnes qui, dans leurs rêves, entendent leur proche décédé les encourager à “reprendre leur liberté” (…), mais qui ne s’autorisent pas à le faire. Il leur semble que ce serait l’abandonner… » Cependant, plutôt que de se noyer avec lui, « l’issue n’est-elle pas de l’abandonner à la Tendresse d’où il vient et d’accompagner son retour à la Maison ? ».
Un poignant témoignage de foi et d’espérance, qui, sans tricher avec la douleur, ouvre un chemin de vie. Un travail d’écriture aussi, qui montre la pertinence d’une relecture de ce que la vie nous offre de plus difficile. Dans chaque événement existe une autre dimension : « Tout ce qui arrive demande alors qu’on y réfléchisse à deux fois. »