Mon Dieu qui dormez faible entre mes bras,

Mon enfant tout chaud sur mon cœur qui bat,

J'adore en mes mains et berce étonnée,

La merveille, ô Dieu, que m'avez donnée.

 

De fils, ô mon Dieu, je n'en avais pas.

Vierge que je suis, en cet humble état,

Quelle joie en fleur de moi serait née ?

Mais vous, Tout-Puissant, me l'avez donnée.

 

Que rendrai-je à Vous, moi sur qui tomba

Votre grâce ? Ô Dieu, je souris tout bas

Car j'avais aussi, petite et bornée,

J'avais une grâce et Vous l'ai donnée.

 

De bouche, ô mon Dieu, Vous n'en aviez pas

Pour parler aux gens perdus d'ici-bas…

Ta bouche de lait vers mon sein tournée,

Ô mon fils, c'est moi qui te l'ai donnée.

 

De main, ô mon Dieu, Vous n'en aviez pas

Pour guérir du doigt leurs pauvres corps las…

Ta main, bouton clos, rose encor gênée,

Ô mon fils, c'est moi qui te l'ai donnée.

 

De chair, ô mon Dieu, Vous n'en aviez pas

Pour rompre avec eux le pain du repas…

Ta chair au printemps de moi façonnée,

Ô mon fils, c'est moi qui te l'ai donnée.

 

De mort, ô mon Dieu, Vous n'en aviez pas

Pour sauver le monde… Ô douleur ! Là-bas,

Ta mort d'homme, un soir, noire, abandonnée,

Mon petit, c'est moi qui te l'ai donnée.