Comme beaucoup de réalités humaines, l'amitié prend des inflexions différentes selon les étapes de la vie. Il vaut la peine d'en évoquer l'évolution : cela pourra aider le lecteur à faire mémoire des amis qui sont entrés dans son histoire et qui continuent à l'accompagner de leur présence bienveillante.
 

L'adolescence, âge fondateur


Pour l'expérience commune comme pour les psychologues, l'amitié éclot à l'adolescence. Auparavant, on parlera seulement des copains. Ainsi, une étude a montré que les enfants de huit à onze ans ne savent pas différencier réellement l'amour de l'amitié ; ils se contentent d'affirmer que « l'amour, c'est aimer et que l'amitié, c'est avoir des amis ». En prenant de l'âge, ils font appel à un langage plus élaboré qui témoigne d'une perception plus fine des différences entre les deux formes de relation. Des liens forts et durables peuvent bien se forger très tôt, mais, au temps de l'enfance, ils s'exprimeront surtout par un agir commun. Comme me l'écrit un ami à ce sujet, il s'agissait de « vivre à deux ou trois dans un domaine propre loin de la surveillance des grandes personnes, d'explorer à quelques-uns des domaines inconnus et de réaliser des exploits jugés considérables à nos yeux ».
Quant aux relations entre garçons et filles, elles sont déjà différenciées : alors que les filles défendent leur point de vue en cherchant à être agréables et sociables (elles sont « collaboratives »), les garçons « interrompent et interpellent davantage leur interlocuteur, cherchent à diriger l'échange, veulent contrôler la discussion et, par-dessus tout, s'affirmer » (ils sont « confrontationnels ») 1. Jusqu'à quel point ces différences de comportement relèvent-elles de la nature ou de la culture, de l'inné ou de l'acquis ? Nous n'entrerons pas dans ce débat, tout en notant cependant que l'éducation a déjà posé sa marque sur la façon de réagir des uns et des autres.
Avec l'adolescence, la perception de soi et d'autrui change. La croissance physique accompagnée de la puberté, les nouvelles attentes