Depuis un siècle, la crise des institutions et l’extension prodigieuse des réalisations matérielles ont modifié radicalement les repères de l’homme. L’individu, entraîné par ce mouvement, se conçoit aujourd’hui plus comme une identité à parfaire que comme un acteur du corps social auquel il est identifié. On pourrait presque dire qu’il n’est plus produit par une société et ses institutions, mais qu’il se produit lui même, intégré ainsi comme « produit » dans la culture dominante du marché. Il est sujet de son propre projet. L’anthropologie qui sous-tend le développement personnel est celle de l’homme post-moderne. Dans cette vision des philosophes du XXe siècle, l’homme est « un isolé ayant pris conscience de son isolement » selon Carl Gustav Jung (concept d’individuation). Un « être jeté là » (la geworfenheit de Heidegger). Projeté dans la vie, l’homme n’a de cesse que de se pro-jeter pour vivre sa liberté. Cette culture traverse aujourd’hui toutes les organisations et même la vie courante. Le développement personnel s’intéresse à la tension entre l’homme et son projet…
L’engouement pour le développement personnel, cet ensemble de méthodes et d’actions qui permettent à chacun de gagner en autonomie, s’inscrit dans cette réalité d’adaptabilité des personnes comme acteurs et sujets de l’entreprise. En tant que processus de développement des potentiels et de responsabilisation des personnes dans leur propre devenir, le développement personnel est donc une démarche naturelle. Pourquoi prend-il autant de place aujourd’hui dans la vie des entreprises et des institutions ? Ne serait-il pas une simple mode managériale ? Ou bien le développement personnel revêt-il un sens plus profond, accordé à l’évolution de notre société ?

Une reponse positive des entreprises face aux changements


Injonctions contradictoires

La diffusion du développement personnel répond aux enjeux actuels du management : accompagner le changement, développer l’agilité des organisations, résoudre la contradiction entre les politiques de développement des ressources humaines et l’instabilité des organisations soumises à la pression des facteurs externes (capital, concurrence). Il est donc d’abord une réponse aux difficultés de l’entreprise. Les décideurs ont eux-mêmes le sentiment de devoir en permanence rendre des comptes sur des questions principalement financières à des acteurs externes parfois très éloignés des enjeux touchant aux hommes et à l’organisation du travail. Une forte tension sur les valeurs est ainsi vécue au quotidien. Elle mine la confiance et brouille la lisibilité de l’action collective en entreprise. Aussi, dans une vision positive, le développement personnel se présente-t-il comme une réponse opérationnelle à ces défis humains. Dans ma pratique de coaching de cadres, notamment dans l’hôpital public, je vois tous les jours les difficultés ressenties par les acteurs du terrain à intégrer les injonctions contradicto...
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