On pourrait trouver surprenant de poser la question du rôle que les chrétiens ont à jouer dans nos sociétés en termes d’utilité : le chrétien doit-il vraiment servir à quelque chose ? Après avoir parcouru ce livre à la lecture aisée, la question apparaît dans toute sa légitimité. Sur fond de description d’un contexte bien connu de divorce entre l’Église et la société, l’auteur réaffirme la richesse et la force du message chrétien qui propose un humanisme au service de la vie. Cependant, l’intérêt de ce livre repose sur un appel adressé à chacun afin qu’il procède à une révolution intérieure : le sujet, nous dit l’auteur, n’est pas de changer le monde en général mais d’agir dans son monde particulier ; et ce monde-là, ajoute-t-il, commence par nous-mêmes. C’est un appel à l’évangélisation, certes, mais à une évangélisation comprise comme le renouvellement de nos propres terreaux intérieurs. Évangéliser n’est pas convertir, ce qui décharge le chrétien de cette si lourde responsabilité ! Évangéliser, c’est se rendre transparent à l’action de l’Esprit. Le chrétien n’est pas là pour prescrire des pratiques vertueuses qu’il a lui-même tant de mal à appliquer mais pour se faire humble médiateur de la rencontre du Christ auprès de ses contemporains. Or, nous dit l’auteur, c’est le point critique de l’évangélisation : car celle-ci doit être un fruit de l’amour ; or aimer est si difficile. Ainsi nous voyons-nous appelés à faire basculer l’évangélisation du côté de la conversion personnelle. Le coeur battant de cet ouvrage réside dans cet appel à la prière : « Prier est en fait le premier acte d’évangélisation. » Sans cette attitude intérieure qui façonne et transforme, nous n’annoncerons que nous-mêmes et nous ne pourrons être de véritables serviteurs de la charité. Une charité qui ne soit pas une pitié condescendante mais bien un amour prenant source en un « coeur bon » et ayant le Christ pour seul horizon.

 
Marie-Caroline Bustarret