La prière chrétienne ne naît pas d'abord du besoin que l'homme éprouverait de s'adresser à Dieu. Elle vient plutôt de ce qu'un jour, Dieu s'est adressé à l'homme. Cette parole de Dieu à l'homme commande toute prière. Dieu prend l'initiative. À l'homme de se rendre attentif et d'accueillir dans la joie et l'action de grâces.
Or, l'Écriture l'atteste, Dieu « a fréquemment parlé aux hommes, et de multiples manières » (Hébreux 1,1). Mais il ne s'est pas contenté de prononcer et d'inspirer les paroles qu'il voulait dire aux hommes. Il a lui-même formulé les paroles qu'il voulait entendre de leur part lorsque ceux-ci répondraient à son interpellation. C'est là ce que signifie la présence de la prière des psaumes dans la Bible canonique.
Ceci pourrait étonner à première vue. La prière n'est-elle pas essentiellement cette parole que l'homme adresse à Dieu ? Mais cette prière, du fait qu'elle appartient aux Écritures, semble avoir été reconnue principalement comme une parole de Dieu, une parole que lui-même a déposée dans le cœur et sur les lèvres de l'homme. Chrétiens et Juifs disposent ainsi d'une école et d'une méthode de prière qui leur viennent directement de l'Esprit de Dieu, puisqu'elles ont été incorporées à la parole écrite de Dieu et qu'à ce titre, elles sont inspirées par son Esprit. Privilège et chance unique ! Y a-t-il un peuple dont le Dieu se rende si étonnamment proche, au point d'avoir voulu nous livrer les paroles mêmes de notre prière ?
Mais comment Dieu est-il ainsi l'auteur du psautier ? Et comment se fait-il que cette prière, d'abord juive, soit devenue aussi celle de l'Église et celle de chaque chrétien qui lui prête sa voix ? Et comment chaque croyant peut-il entrer dans cette prière pour se l'approprier à son tour ? Ces questions demeurent très actuelles, particulièrement en ce temps qui s'interroge sur la prière et sur les techniques de recueillement conduisant à elle.
Il faut y revenir : il y eut d'abord Dieu adressant une parole à l'homme. Sans cette démarche à la primauté indiscutable, il n'y aurait jamais eu de prière. Dieu prend l'initiative. Sa parole frappe le cœur de l'homme. Non pas tout de suite cette Parole telle qu'elle a été mise par écrit dans les Saintes Écritures, mais d'abord cette Parole qui est l'Événement absolu : son intervention toute-puissante et tout efficace dans l'Histoire du salut, celle des Églises et celle de chaque destinée individuelle. Même ceux qui vivent en dehors de toute parole de la Bible sont atteints d'une façon ou d'une autre par la force de la parole de Dieu.
Cependant, laissé à lui-même, le cœur de l'homme n'a pas de quoi se rendre perméable à la Parole. Il ne peut que lui présenter le mur de son aveuglement, une absence totale de sensibilité au timbre d'une telle voix. En un premier moment d'ailleurs, la parole de Dieu est souvent assourdissante. Elle semble rendre sourd ou aveugle, tout
