Un petit livre d'aspect modeste consacré à l'humilité, quoi de plus normal a priori ? Le propos de Françoise Le Corre, philosophe et ancienne rédactrice en chef ajointe d'Études, invite pourtant à ne pas passer à côté de ce qu'elle considère non comme une simple vertu, mais bien comme une « grâce ». Alors, en abordant ce sujet avec tout à la fois des expériences personnelles et des réflexions à déguster, elle prend presque des accents pauliniens pour composer une manière d'hymne à l'humilité. Paradoxalement, l'humilité serait à la mode, injonction donnée aux hommes politiques ou aux figures médiatiques, par exemple, d'être plus modestes, alors qu'elle se situe en dehors de toute logique de communication ou de success stories. Si elle se distingue de l'humiliation, l'humilité invite à la « conscience de ses limites, défait les mauvaises défenses ». Ainsi, reconnaître tout simplement que je reçois ce qui est mien, comme dans le domaine du savoir, que « mes idées ne sont pas mes idées » participe de sa dynamique profonde. On ne s'étonne pas alors de voir l'auteure démarquer aussi, de manière parallèle, le champ de l'orgueil et de situer l'impasse où il conduit. Si le mot d'humilité renvoie à l'humus, à notre terre, c'est bien parce que l'incarnation y a toute sa place. Loin de la résignation ou de la tentation de la force, démunie par nature, « l'humilité connaît le sel de la vie ». Mieux, elle plonge dans la relativité du réel : « Va pour l'immersion dans le relatif qui n'est pas contraire à la recherche de Dieu et peut même en être une voie. Qui est la chair du monde et la chair des hommes. » Qualité ou vertu « indémontrable », l'humilité ne s'impose pas mais propose toujours, elle convie aussi à vivre « une fragilité assumée, une mort acceptée ». Cette pudeur et juste distance vis-à-vis de ce que nous sommes prend tout son sens dans un monde où se mêlent à la fois le chaos et la grâce. À sa manière, Françoise Le Corre invite le lecteur à l'attention, à percevoir et discerner la présence discrète de l'humilité parmi nous. Car, comme elle l'écrit : « L'humilité fait signe. Elle montre ensemble la petitesse de notre condition et la grandeur de ce à quoi nous sommes appelés. »