Trois ans après le lancement du Campus de la Transition, Xavier de Bénazé, jésuite, et Cécile Renouard, religieuse de l'Assomption, relisent leur expérience de conversion écologique et sociale. L'exercice est audacieux : partenariat avec des institutions publiques oblige, le Campus se présente comme « aconfessionnel et ouvert à la dimension spirituelle ». Or la formule suscite la curiosité : « Qu'est-ce qui se cache derrière ? » Les auteurs répondent en toute transparence : chrétiens, ils trouvent dans la conversion écologique intégrale une « résonance évangélique ». Leur tradition de foi ne les autorise-t-elle pas, dans le respect du caractère aconfessionnel du lieu, à articuler transition écologique et expérience spirituelle ?
L'histoire commence par une rencontre entre l'intuition spirituelle de sœur Cécile et la vague étudiante « pour un réveil écologique » de 2018. Le Campus de la Transition reçoit, dès son inauguration, de nombreux soutiens. Par une pédagogie intégrative (« tête, corps et cœur »), on s'y forme en expérimentant les savoirs pour soi-même et collectivement, dans un mode de vie sobre et désirable, répondant aux exigences de la « Grande Transition ».
La suite montrera la pertinence de l'intuition. Tout d'abord dans ses grandes dimensions, par l'afflux de volontaires, le soutien reçu d'institutions d'Enseignement supérieur et le dynamisme d'une start-up associative, collégiale, écologique et sociale, pointant vers la confirmation d'un kairos. Et puis il y a la « magie du Campus » : cohérence, attention à soi et aux autres, partage d'un vocabulaire commun dans le « mot du matin », laboratoire articulant paix intérieure et vie collective, expérience communautaire et engagement social, dans « le caractère à la fois improbable de ce qui se vit au Campus et l'évidence que ce qui s'y passe est donné » (p. 116). Tout cela sous le signe de confirmations spirituelles : joie, gratitude et confiance. Joie des conversations en profondeur, des projets menés jusqu'au bout. Gratitude pour la « bonté originelle » en dépit des limites de chacun. Confiance en la vie mise à l'épreuve par l'éco-anxiété, puis retrouvée et affermie. Sous l'angle de la foi, Dieu se laisse entrevoir dans la vie du Campus et chez les jeunes qui se convertissent à l'écologie intégrale.
À la faveur de cette relecture, les auteurs tentent de modéliser la conversion écologique et sociale, individuelle et collective. En s'appuyant sur la tradition chrétienne de l'accompagnement et sur celle de l'exercice de l'autorité, ils présentent des orientations et des postures adaptées à la situation d'une communauté en transition. Mais le Campus est encore jeune : seule la durée éprouvera son « potentiel réformateur » et affermira sa gouvernance. Face à l'incertitude, un signe d'espérance, bien que fragile, n'est pas de trop.