Fidélité, « Béthanie », 2020, 132 p., 15 €.

Dans ce commentaire de l'épître de Jacques, Dominique Collin livre en dix-sept courtes sections une réflexion critique sur le rapport des chrétiens au monde. Vaut-il mieux « changer de monde » et vivre plus en accord avec sa foi, quitte à déserter celui-ci ? Ou bien s'ouvrir au monde, quitte à se conformer à lui et à accommoder sa foi ? Mais la foi, tel un « levier hors du monde », tout à la fois s'oppose à lui et lui est destinée, et tire sa vigueur de l'adversité. En affirmant de manière aussi incisive que Jacques que « le monde tel qu'il est et tel qu'il va est intolérable » (p. 7), Dominique Collin invite les chrétiens à s'y engager résolument. Non pour sauver le monde (il est « insauvable » [p. 101]), mais pour offrir aux hommes la chance de croire dans un « autre monde », le « monde à venir », « non pas un au-delà du monde, […] mais la possibilité de vivre selon un tout autre rapport, un rapport qui ne serait pas de suffisance » (pp. 102-103). Tout l'art de cet essai est d'indiquer, au-delà de l'alternative simpliste entre être « dans » le monde ou « hors » du monde, des voies pour une authentique radicalité chrétienne. Tout commence par une communauté dispersée de frères qui, bien qu'étrangers, sont partout comme chez eux. Loin de se contenter du bonheur mondain, ils font l'expérience de la joie plus grande de la foi éprouvée. Résolument tournés vers Celui dont la seule volonté est de se communiquer aux hommes, ils s'offrent à Lui, à l'école de « la sagesse du monde à venir » et par une décision radicale. Dans cet entre-deux, ils assument une tension permanente entre « suffisance du monde » et « sagesse du monde à venir », entre les fausses promesses de la convoitise et la patience à exercer pour recevoir la vie. Dominique Collin trace dans les situations existentielles de nos contemporains des lignes décisives entre suffisance (au sens de « se suffire à soi-même ») et foi. En voici quelques exemples : céder à la convoitise qui se présente sous l'apparence du bien versus cultiver sa liberté en ne se laissant pas déterminer par ses seules pulsions. Écouter la Parole sans la mettre en pratique versus devenir acteur de la Parole. Se suffire de la religiosité pieuse versus trouver la foi dans l'action et auprès des plus pauvres. Se contenter d'une stricte pratique cultuelle versus s'engager dans une manière de vivre d'où naît la foi. Se laisser convaincre par la séduction des besoins versus faire place à la sagesse de l'amour qui agit avec douceur. Considérer Dieu comme un distributeur de biens versus ouvrir en soi un espace pour lui exprimer de la gratitude. Accumuler les richesses pour la bonne cause et sans égard pour le pauvre versus vivre dans la confiance.

Bref, le disciple est sommé de choisir entre se sauver seul avec le monde présent ou contre lui, ou bien, tel un semeur, contempler et cultiver patiemment le monde à venir qui se lève. Peut-être alors croisera-t-il un frère en errance avec qui faire advenir ce monde-là.