L'ouvrage écrit par sœur Laure Blanchon, ursuline de l'Union romaine, est une vraie symphonie théologique rythmée par les thèmes de l'Alliance, de l'Incarnation, de la pauvreté et de la Révélation.
Ce qui est particulièrement stimulant, émouvant, voire jubilatoire, dans cette symphonie menée avec maestria par l'auteure, ce sont les détours par les textes de l'Écriture sainte (Pentateuque, Prophètes, récits évangéliques…) et par ceux de la tradition de l'Église (patristique, concile de Trente, débats théologiques du XXe siècle…) qui sont finalement confrontés à des récits de vie de personnes en grande précarité ayant fait l'expérience d'une existence de misère.
L'Incarnation s'exprime ainsi comme une histoire d'Alliance qui passe par les pauvres, un mystère de vie donnée qui est aussi mystère de communion. Nous sommes ainsi projetés au cœur du mystère de la foi chrétienne dans laquelle le Christ se révèle comme « médiateur de la vie donnée ». Par sa vie donnée (reçue et livrée) jusqu'au bout, il ouvre la voie pour que tout homme puisse vivre en alliance avec Dieu et avec ses frères en humanité. Le mystère de l'Incarnation propose une théologie et une anthropologie de l'Alliance.
L'auteure permet au lecteur de ne pas s'enfermer dans une méditation spéculative hors sol en lui permettant d'entrer en communion avec des personnes en précarité, qui révèlent, à travers leur récit de vie, la pertinence de cette recherche théologique sur l'Incarnation et l'Alliance.
L'espérance messianique prend un souffle nouveau dans les expressions de Philippe, Marie José, Robert, Michel, Roland, Ena, Michèle et Alain. Le Verbe se fait chair de leur propre chair… et leur chair se fait Verbe grâce à la mise en perspective théologique dans laquelle l'auteure nous entraîne.
Comment ne pas repenser en redécouvrant dans ces récits quelques visages de la diaconie du Var, à ce que le père Michel Rondet écrivait il y a trente ans pour définir le métier et la vocation de la diaconie : « Il s'agit, disait-il, dans un double mouvement de "rendre la parole de Dieu et l'Église aux pauvres" mais aussi de "rendre les pauvres et la parole de Dieu à l'Église". »
À lire cet ouvrage, je n'ai pu que rendre grâces de ce cadeau que nous fait l'auteure en nous stimulant dans ce va-et-vient spirituel et théologique qu'exigent une écoute sérieuse de la tradition dogmatique de l'Église et une écoute tout aussi sérieuse de la parole recueillie dans la bouche des pauvres.
L'Église s'y révèle comme laboratoire de vie donnée, école communautaire où l'on réapprend à devenir humain à la manière de Jésus, espace mystagogique où le Dieu Trinité se dévoile dans le mystère de la pauvreté.
Un livre à lire et à relire sans modération pour goûter à la vitalité de la réflexion théologique quand elle ose se confronter à l'expression du malheur contemporain.