La vie d'un homme se joue souvent dans quelques moments rares. Il peut s'agir d'une décision, d'une action entreprise ou, au contraire, d'un événement purement subi, comme une maladie ou un acte arbitraire commis par d'autres à son encontre. Ces instants décisifs peuvent se situer à tout moment dans le parcours d'une vie, à un âge relativement jeune (comme la décision de se marier ou d'entrer dans la vie religieuse) ou à un âge plus avancé (à l'occasion d'une démission ou d'un accident de santé). Il en va des apôtres et des saints comme de tout un chacun, sur ce point.
J'aimerais commencer en partant d'un film, tiré d'une pièce de théâtre, intitulé Les deux papes1 et qui porte sur le parcours de vie de Jorge Mario Bergoglio et de Joseph Ratzinger. L'une des intuitions les plus pénétrantes du scénario est de mettre en contraste deux moments de « crise » vécus par ces deux hommes. Pour le premier, il advient assez tôt, au mitan de sa vie : sorti de sa charge de provincial, durement critiqué par beaucoup, se reprochant lui-même beaucoup, cet homme doit de nouveau ratifier l'appel dont il croit profondément qu'il a bénéficié plus de vingt ans auparavant. Pour le second, il survient sur le tard, alors qu'il se sent de plus en plus impuissant à assumer sa charge pétrinienne et qu'il envisage sérieusement une démission, pour beaucoup impensable. Ces deux prêtres ont en même temps une conscience profonde de l'appel gratuit ressenti au début de leur vie. Dans les deux cas, activité et passivité, décision et abandon sont au fond étroitement mêlés, car il y avait une part de décision dans leur abandon au choix de Dieu mystérieusement perçu. Et il y a encore une part