L'« hospitalité » est une des grandes portes d'entrée de la tradition indo-européenne dont le fonds anthropologique englobe l'univers de la Bible, le monde gréco-latin et bien d'autres manières de vivre établies sur le pourtour de la Méditerranée1.

Qui est l'hôte ?

L'hospitalité manifeste, sous la forme d'une symétrie, ce qui est au cœur de toute rencontre. C'est bien ce que montre l'ambivalence de l'« hôte ». Qui est-il ? Est-ce celui qui accueille ou celui qui se présente à l'improviste ? Là est le paradoxe, du fait de la loi sacrée de l'hospitalité : l'autre est accueilli, quoi qu'il en soit de son statut social ou religieux, selon une forme d'ouverture extrêmement large, qui suppose une exposition de soi-même de la part de celui qui accueille (l'« hôte », mais dans un autre sens) – et cela en dépit de la violence que peut introduire celui qui est accueilli, car ce dernier dérange toujours. L'ambiguïté phonétique entre hospes et hostis, entre « hôte » et « ennemi », le révèle : celui qui frappe à la porte peut être un ennemi, mais il peut aussi devenir un ami.

Comment ne pas évoquer la scène de l'hospitalité d'Abraham, à Mambré, en Genèse 18,1-16 ? Abraham se tient à la porte de sa tente et accueille trois visiteurs – à moins que ce ne soit un seul : est-ce le Seigneur ? Trois hommes ? Le Seigneur et deux anges ? Le lecteur ne le sait pas très bien. Il est certain, en revanche, qu'à la porte de la tente, ceux qui sont accueillis sont des envoyés, porteurs d'une bonne nouvelle : ne s'agit-il pas de la fécondité de Sarah ? Cette dernière rit d'ailleurs deux fois, d'abord parce qu'elle ne peut croire à cette bonne nouvelle (Gn 18,12) ; ensuite, en raison de la naissance d'Isaac (Gn 21,6). À la fin de la Bible, cette même scène originaire est tournée en recommandation : « N'oubliez pas l'hospitalité car,