Nous avons appris à nous méfier de l'appel au pardon comme d'une recommandation douteuse. C'est qu'il pourrait être une facilité : celle d'une « charité chrétienne » mal comprise qui supposerait « d'aimer l'ennemi » ou le violenteur, au nom d'un amour perverti ; d'accepter le mal qui nous est fait parce que « l'amour serait plus fort que la mort ». De telles formules « toutes faites », restes culturels d'un christianisme devenu un corpus mais qui ne fait plus corps, en édulcorent, jusqu'à l'insupportable, leur portée pourtant subversive et rénovatrice. Elles sont devenues douteuses parce qu'on a fini par confondre le don du pardon avec le sacrifice. Pourtant que serait une vie, voire une société, sans pardon ? Sur quels territoires de l'humain et du tragique de ses relations nous fait-il entrer si on ne veut pas faire du pardon une manière de s'accommoder trop facilement de la violence ? Sans doute sur le terrain d'une implacable tension qui, peut-être, dessine un chemin d'humanité : on ne peut pas, par amour de l'humain, ne pas pardonner, sous peine d'un inlassable ressentiment ; mais on ne peut pas, au nom de l'opposition humaine, trop vite pardonner toute méchanceté, sans faire injure à ce même humain. Sachant la désolation de la violence du mal que l'humain fait à l'autre humain, le pardon est-il, et peut-il se faire, plutôt qu'un lot de consolations, puissance de rénovation ? Et, si tel est le cas, le pardon est-il accordé selon des conditions (« Je te pardonne si… ») ou bien est-il, par définition, accordé de façon inconditionnelle, comme la chance laissée à de nouveaux commencements ?
S'il est marqué par l'orbe religieux du christianisme et de la parole évangélique, le